Diane Rosine Monique Gorou est heureuse d'exercer le métier de contrôleur de la circulation aérienne

Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années, dit-on. C’est assurément le cas de la Burkinabè Diane Rosine Monique Gorou. Diane n’a que 25 ans mais son métier fait déjà d’elle un pilier de la sécurité de la navigation aérienne à l’aéroport international de Ouagadougou où elle officie, depuis bientôt un an, comme contrôleur de la circulation aérienne.
De sa jeune expérience de contrôleur, son cursus académique et de ses ambitions, Diane Gorou en parle. Entretien exclusif.

Diane Rosine Monique Gorou est heureuse d'exercer le métier de contrôleur de la circulation aérienne
Diane Rosine Monique Gorou est heureuse d’exercer le métier de contrôleur de la circulation aérienne

                                                    Burkina Demain : Présentez-vous à nos lecteurs ?
Diane Gorou : Je me nomme Diane Rosine Monique Gorou. J’ai 25 ans et je suis issue d’une famille de 4 enfants dont 3 filles et un garçon. Je suis contrôleur de la circulation aérienne à l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), depuis bientôt un an.

Burkina Demain : En parcourant votre CV, on se rend compte, que vous auriez pu aussi faire une carrière soit dans les télécoms, soit dans l’informatique, mais vous officiez comme contrôleur aérien. Est-ce un choix délibéré ou vous avez tout simplement saisi une opportunité ?
Diane Gorou : J’ai saisi une opportunité car, il y a 3 ans, je ne me serai jamais imaginée dans ce domaine. Comme on dit souvent, « il n’y a pas de boulot », donc aujourd’hui nous la jeunesse avons tendance à aller vers ce que nous avons en premier.

Burkina Demain : Comment êtes-vous devenue contrôleur de la circulation aérienne ?
Diane Gorou : Bien, tout cela a commencé par un concours d’entrée à l’EAMAC (ndlr : Ecole Africaine de la Météorolgie et de l’Aviation Civile) qui est une des écoles de formation de l’ASECNA.
En Novembre 2013 j’étais en fin de stage pour mon mémoire d’ingénieur lorsque j’ai été informée du concours par mon père à qui j’avais demandé des informations pour un ami ; il m’a conseillée de passer le test aussi pour voir ce que cela pourrait donner. C’est ainsi que j’ai passé le test et en octobre je me voyais admise à l’école. J’ai d’abord eu à partir pour une immersion en anglais en Afrique du Sud de janvier à Mars 2014. En mi mars j’arrivais à Niamey au Niger où se trouve l’EAMAC pour une formation de 14 mois au contrôle aérien.
En Juin 2015 je sors de cette école diplômée « contrôleur de la circulation aérienne ». Je rentre à Ouaga ce même mois et c’est en août que je prends service à la représentation de l’ASECNA auprès du Burkina Faso. Après une formation sur place pour le centre de Ouagadougou pendant 7 mois, je suis qualifiée au poste de contrôleur de la circulation aérienne en Mars 2016. Ce qui veut dire que je suis déclarée apte à travailler sans la supervision d’autres contrôleurs qualifiés, je réponds de mes actes.
Burkina Demain : Contrôleur de la circulation aérienne, cela ne court pas les rues, avez-vous un modèle, une femme contrôleuse qui vous a inspirée ?
Diane Gorou : Non, je n’ai pas eu besoin d’inspiration et je n’ai pas de modèle dans ce sens. Des femmes contrôleurs il y’en a beaucoup ailleurs. Ce n’est qu’ici qu’on en voit pas du tout. Je me souviens qu’au test d’entrée à l’EAMAC ici à Ouagadougou, sur une centaine de candidats nous n’étions qu’une dizaine de femme. Mais une fois à l’école il y’avait un bon nombre de femmes d’autres nationalités.

Burkina Demain : En quoi consiste votre travail de contrôleur de la circulation au quotidien ?
Diane Gorou : Mon travail quand je suis sur la position comme nous l’appelons consiste à servir d’yeux pour les pilotes car dès lors qu’il s’installe dans son avion, le pilote est aveugle. Il me confie en quelque sorte sa sécurité, celle de son équipage et de ses passagers et ce du parking en passant par le décollage jusqu’à un certain niveau avant que je ne le passe sous le contrôle d’une autre entité. Et à son arrivée je m’occupe de lui de ce même niveau jusqu’au sol en m’assurant que la piste est bien dégagée.
Il faut savoir que dans le contrôle il y’a plusieurs entités. Moi je m’occupe de la tour et de l’approche c’est-à-dire que je gère principalement les décollages et les atterrissages.

Burkina Demain : Qu’est-ce qui est passionnant dans ce métier ?
Diane Gorou : Euh, pour moi le plus passionnant c’est la connaissance plus approfondie des avions car depuis petite j’aime bien les avions et maintenant je peux en voir à tout moment (rire).

Burkina Demain : Quels sont les moments pénibles dans ce travail ?
Diane Gorou : Les moments les plus pénibles sont sûrement ceux pendants lesquels on apprend qu’un avion a disparu des écrans radar avec des centaines de passagers. Quand cet avion venait ou quittait votre espace. C’est très difficile mais heureusement les cas comme ceux-ci ne sont pas très fréquents dans nos centres.
Burkina Demain : Cela fait déjà quelque temps que vous exercez, avez-vous déjà vécu des choses qui vous ont marqué agréablement ou désagréablement ?
Diane Gorou : J’ai de très bons souvenirs oui, en particulier lorsque je suis arrivée à éviter le pire à un pilote et qu’il me dise « merci madame ». Cette reconnaissance même si je ne fais que mon travail fait toujours plaisir. De mauvais souvenirs pas encore, j’espère ne pas en vivre (rire).
Burkina Demain : En tant que femme, comment vivez ou percevez-vous le fait d’être contrôleuse aérienne ?
Diane Gorou : Je le vis très bien et je suis assez contente de m’être lancée dans l’aventure.

En dépit de la fierté et du plaisir d'exercer son métier, Diane Gorou ne souhaite pas finir sa carrière dans une tour de contrôle
En dépit de la fierté et du plaisir d’exercer son métier, Diane Gorou ne souhaite pas finir sa carrière dans une tour de contrôle

Burkina Demain : Est-ce un travail pour femme ?
Diane Gorou : Oui, il n’y a pas de métier qui ne soit pas pour femme, avec de la motivation et du courage elle peut tout faire et souvent mieux que l’homme car la femme est dans ce perpétuel besoin de prouver qu’elle a sa place dans tous les domaines. C’est souvent difficile à cause des horaires et surtout celles où il faut faire la nuit et aussi contraignant lorsque l’on sait que la femme doit aussi gérer une maison, un foyer avec des enfants. Mais je pense qu’avec de la volonté les femmes sont les plus à même de faire ce métier, en ce qui concerne la gestion du stress car il faut le savoir ce métier est l’un des plus stressant, exigeant où l’erreur ne pardonne pas. En plus, les pilotes aiment entendre une voix féminine car c’est plus rassurant (rire). Il y’a des femmes pilotes alors pourquoi pas de femmes contrôleurs ?

Burkina Demain : Avez-vous des collaboratrices ?
Diane Gorou : Oui, il y a une qui est arrivée une année avant moi : une Camerounaise qui a été affectée ici et qui fait partie de l’autre entité dont je parlais plus haut. Nous sommes depuis peu séparées, elle étant dans un autre environnement mais toujours au sein de l’aéroport.
Je suis donc seule avec 11 hommes qui gérons la même entité et la Camerounaise de son côté est également seule avec 11 autres hommes pour la seconde entité.
Burkina Demain : Comment se passe la collaboration avec ces collègues hommes ?
Diane Gorou : Elle se passe très bien. Quoi que nous fassions, il y a toujours cette discrimination positive qui existe. Je bénéficie donc de bons traitements de leur part, et nous travaillons dans un cadre détendu et agréable.

Burkina Demain : Pour vous, ce travail paie-t-il mieux que d’être ingénieure dans une maison de télécommunications ?
Diane Gorou : Franchement, oui. En tout cas, pour un ingénieur débutant à Ouagadougou, c’est très difficile. D’après le retour que j’ai de mes anciens camarades, ce n’est pas du tout ce à quoi la plupart s’attendaient. Pas à court terme. Peut-être après beaucoup d’années d’expérience.

Burkina Demain : Est-ce que vous vous plaisez à Ouaga ou est-ce que vous auriez aimé entamer votre carrière sous d’autres cieux ?
Diane Gorou : Oui, je me plais à Ouaga. Je n’y ai pas vécu tout le temps mais j’ai toujours aimé y revenir car c’est chez moi et ne dit-on pas qu’on est toujours mieux que chez soi? Néanmoins je ne serai pas contre d’aller découvrir d’autres cieux.
Burkina Demain : Vous avez dit que vous êtes ambitieuse. Quelles sont vos ambitions professionnelles en court, moyen et long terme ?
Diane Gorou : Etant nouvelle dans le métier, je pense acquérir dans le court terme assez d’expérience pour ensuite, à moyen terme, repartir à l’école pour compléter ma formation pour être contrôleur qualifiée pour toutes positions.
A long terme, pourquoi pas devenir ingénieur, toujours dans le cadre de l’aviation et aspirer à d’autres postes que celui de contrôleur ? Ou sinon, faire valoir aussi mon diplôme d’ingénieur en télécommunications. J’y pense car, je n’entends pas du tout rester toute ma vie contrôleur aérien ; ce n’est pas un travail à faire trop longtemps, à mon avis.
Burkina Demain : Au-delà de votre carrière professionnelle, avez-vous aussi des ambitions sociales ou politiques ?
Diane Gorou : Oui mais j’ai tellement de projets en tête que tout est encore confus…

Burkina Demain : Avant de faire des études d’ingénieur en télécoms ou en informatique, vous avez fréquenté au secondaire à Niamey «Collège Mariama » d’où vous avez obtenu en 2008 un Bac D. De qui tenez-vous ce profil de scientifique, de votre mère ou de votre père ?
Diane Gorou : De mon père. Oui, ce monsieur a été et est mon modèle depuis que je sais que j’existe. Il m’a transmis sa passion pour la science et c’est même avec ses conseils que j’ai fait tout ce parcours jusqu’à me retrouver ici. Et je ne regrette pas de l’avoir écouté et de continuer à le faire.
Notez que mon père a été lui aussi contrôleur aérien ici à ouaga. Il était parmi les tout premiers. Comme on dit, « tel père, telle fille ».

Entretien réalisé par Philippe Martin
Burkina Demain

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