Après l’attaque de Boungou qui a fait des dizaines de morts parmi les travailleurs de la mine d’or de SEMAFO le 06 novembre, le Président du Faso a, dès le lendemain, sur un ton grave  annoncé le recrutement de Volontaires pour la Défense (VD)! Longtemps réclamée par de nombreux burkinabè, la résistance populaire est enfin enclenchée. Il était grand temps !  Il faut se rendre à l’évidence. Le salut du Burkina Faso ne viendra ni du G5 Sahel, ni d’une mission de  maintien de la paix, ni d’une hypothétique opération « Bourgou IV ». Les Burkinabè doivent assumer leur destin avec bravoure et patriotisme.  

La résistance populaire a fait ses preuves au Niger, en Algérie et même au Burkina Faso sous la révolution. La nature de la menace est telle que l’armée a nécessairement besoin d’auxiliaires au sein des communautés. Les VD répondent à cette logique. Ce n’est donc nullement un aveu d’impuissance ou une remise en cause de l’efficacité de l’armée. Mais pour aussi salutaire que l’initiative soit,  elle doit être encadrée méthodiquement afin que le remède ne se révèle pas pire que le mal. En la matière de nombreuses erreurs sont à éviter.                 

Panorama des erreurs à éviter

  1. La précipitation ou l’improvisation : Il est indéniable que le temps presse. Mais la question des Volontaires pour la Défense doit être traitée avec la plus grande rigueur. L’une des premières mesures à prendre (si ce n’est déjà fait), consistera à la définition de la base légale à travers laquelle ces volontaires seront régis. Il faut absolument un décret portant « statut des Volontaires pour la Défense ». Ce texte devra définir  son champ d’application, préciser les droits, obligations et la protection juridique des volontaires,  clarifier les modalités de recrutement et de formation, la hiérarchie et les relations avec l’autorité militaire,  la discipline, la cessation de l’état de volontaire,…
  2. La généralisation de la mesure à toutes les zones touchées : Le recrutement des volontaires ne saurait concerner toutes les zones en même temps. Il faut nécessairement une cartographie actualisée de la menace afin de circonscrire la levée des volontaires à des zones pilotes le temps d’évaluer l’efficacité de l’approche et d’opérer des changements stratégiques et opérationnels si nécessaire.  Il est vrai que  de nombreuses régions du pays sont touchées par les attaques terroristes. Mais il faut savoir raison garder et ne pas agir sous le coup de l’émotion.
  3. La récupération politique : Comme les dernières attaques terroristes l’ont démontré, les terroristes n’ont cure du  bord politique, de l’appartenance religieuse, ethnique, sociale,… Leur objectif, c’est de faire le maximum de victimes et d’installer la chienlit dans le pays. Face à un tel tableau, l’union sacrée autour de la nation à laquelle le Président du Faso a appelée, est plus que jamais nécessaire.  La question des Volontaires pour la Défense ne saurait donc être l’objet de récupération ou de marchandage politique. Personne n’aura d’avenir si le pays sombre entre les mains des terroristes.  C’est donc le moment de mettre les divergences de quelque nature quelles soient  en veilleuse pour ne considérer que l’intérêt supérieur de la nation. Les hommes politiques actuels de la majorité ou de l’opposition passeront. Mais le pays lui, doit  demeurer.  Les appels à la démission du Président actuel relèvent donc de l’incurie. Le terrorisme ne doit pas être un fonds de commerce pour des politiciens en perte de vitesse.
  4. L’attentisme : Les terroristes font chaque jour un peu plus de victimes car ils attaquent toujours le Burkina Faso par surprise. Il faut donc quitter la posture de la réaction pour prendre l’initiative. Devant être au sein des villes et villages, les VD pourront fournir de précieuses informations aux FDS pour leur permettre de débusquer et de mette hors d’état de nuire les terroristes avant qu’ils ne passent à l’acte. Ni l’Etat, ni l’armée burkinabè ne sont en déliquescence.  Il faut juste adapter la stratégie de lutte et travailler sans relâche à un meilleur maillage du territoire. Parlant justement de maillage, les terroristes pourraient être enclins à changer de zone ou de mode opératoire s’ils se rendent compte que la résistance s’organise en un endroit donné.  Il ne faut donc en aucun cas baisser la garde. Les FDS doivent être en alerte permanente et maximale sur toute l’étendue du territoire.  La guerre est entrée dans une nouvelle dimension. Les attaques vont se multiplier et s’intensifier.
  5. Le manque de coordination avec les FDS : Les volontaires pour la Défense doivent être des auxiliaires des FDS. Ils ne doivent en aucun cas se substituer aux forces républicaines ou se transformer en milices pour terroriser davantage les populations. C’est pour cette raison qu’ils doivent faire l’objet d’enquête de moralité et être placés sous la chaine de commandement militaire.
  6. La surmédiatisation : La formation et le déploiement des VD doivent se faire dans la discrétion. Les terroristes ayant des yeux et des oreilles partout, ils peuvent rapidement torpiller l’initiative.
  7. La démoralisation des VD : Le Président du Faso a lancé un appel au sursaut patriotique. Tous ceux qui répondront favorablement ne doivent pas être l’objet de railleries, de dénigrement ou d’ostracisme. Ils doivent au contraire bénéficier du soutien de l’ensemble de la nation car c’est au nom d’elle qu’ils sont engagés. L’opérationnalisation des VD nécessitera d’importantes ressources financières et matérielles. Les Burkinabè doivent accepter participer à l’effort de guerre. Les drames n’arrivent pas qu’aux autres. L’heure doit être à la résistance générale. Au niveau individuel, chacun peut entrer en résistance contre ses propres penchants mauvais, à travers la musique, l’écriture, la prière, les publications sur les réseaux sociaux,…
  8. La corruption et le détournement de fonds : Les fonds qui seront alloués dans le cadre de la levée des volontaires doivent être gérés de la manière la plus loyale et la plus transparente possible. Des individus ne doivent pas y trouver l’occasion de s’enrichir en toute impunité. Les volontaires devraient être rétribués à la hauteur de leur engagement. Avec le lancement de cette initiative, il faut être conscient que les terroristes vont aussi de leur côté faire monter les enchères.  Ils feront des offres mirobolantes aux jeunes afin d’en recruter beaucoup plus. Il faudra donc travailler à offrir des perspectives durables aux jeunes tout en luttant  énergiquement contre leur  radicalisation.

La liste pourrait être rallongée à souhait.  Mais cela ne servirait à  rien. Il faut aller à l’essentiel. Le pays tangue de part et d’autre. La situation est préoccupante. Qu’à cela ne tienne, les Burkinabè, en hommes valeureux,  sauront puiser aux tréfonds d’eux mêmes les armes nécessaires pour une victoire héroïque contre les forces obscurantistes. La voix est tracée.

Jérémie Yisso BATIONO

Enseignant chercheur

Ouagadougou

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