Pamela Coke-Hamilton, directrice exécutive du Centre du commerce international participe à Niamey au sommet de l'UA sur l'industrialisation

Le Somme de l’Union africaine sur l’industrialisation et la diversification économique bat son plein à Niamey au Niger où il se déroule du 20 au 25 novembre 2022.  «Le temps est venu pour l’Afrique d’identifier et de saisir toutes les opportunités offertes par ce riche continent, et de prendre sa juste place à la table des négociations mondiales en tant que puissance économique reconnue. Le moyen d’y parvenir est d’unir les décideurs politiques et les entreprises pour atteindre un objectif commun : mettre en œuvre la Zone de libre-échange continentale africaine, (ZLECAf)», soutient Pamela Coke-Hamilton, directrice exécutive du Centre du commerce international (ITC)  qui y participe. Et il s’en explique dans cet éditorial.

Pamela Coke-Hamilton, directrice exécutive du Centre du commerce international participe à Niamey au sommet de l’UA sur l’industrialisation

«Sommet sur l’industrialisation de l’UA Éditorial : «Accélérer l’industrialisation de l’Afrique par le commerce»

L’Afrique est riche

Le continent est riche en ressources naturelles, des terres arables aux sources d’énergie renouvelables en passant par les forêts tropicales et la faune sauvage. Mais surtout, il est riche en ressources humaines : l’Afrique a la population la plus jeune du monde  et accueillera au moins un quart de la population mondiale d’ici 2050 , sachant que cette dernière vient de franchir le cap des huit milliards d’individus.

Tout comme des eaux vives peuvent être tournées en énergie ou exercer une force destructrice, les richesses naturelles du continent et sa population en plein essor peuvent être utilisées à bon escient, ou non.

Le temps est venu pour l’Afrique d’identifier et de saisir toutes les opportunités offertes par ce riche continent, et de prendre sa juste place à la table des négociations mondiales en tant que puissance économique reconnue. Le moyen d’y parvenir est d’unir les décideurs politiques et les entreprises pour atteindre un objectif commun : mettre en œuvre la Zone de libre-échange continentale africaine, (ZLECAf).

Revenir à l’essentiel

Au moment où nous publions cet article, des dizaines de milliers de personnes rentrent chez elles après avoir participé à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP27, qui s’est tenue cette année à Sharm El-Sheik, en Égypte. Aussi appelée « COP de mise en œuvre » et « COP africaine », cette conférence marque le retour de l’événement sur le continent africain après six ans, avec sans doute l’attention la plus forte jamais portée aux besoins des pays en développement.

Outre le financement climatique, l’agenda de la conférence était centré sur la nécessité de veiller à ce que la transition vers une économie à faible émission de carbone soit équitable pour les pays les plus vulnérables aux effets du dérèglement climatique – soit les pays qui ont le moins contribué à cette situation. Cela inclut les pays africains qui ne représentent que 3 % des émissions mondiales, mais qui, pris ensemble, constituent la moitié des pays les plus vulnérables au changement climatique.

L’équilibre entre la transition vers une économie à faible émission de carbone et l’industrialisation ne sera peut-être pas facile à trouver. Toutefois, la ZLECAf offre l’opportunité de répondre de manière cohérente et à l’échelle du continent à la crise induite par le dérèglement climatique – ainsi qu’aux autres crises, telles que la pandémie de COVID-19, les conflits et l’augmentation du coût de la vie – tout en ouvrant pour l’Afrique la voie du développement durable et de la croissance économique.

Pour y parvenir, il faut se concentrer sur l’essentiel : déterminer les domaines d’investissement prioritaires sur la base des données de la recherche, canaliser les interventions dans la bonne direction, et lever les obstacles dans les secteurs vitaux.

Investir dans le commerce intra-africain

Les données de l’ITC montrent que le potentiel de croissance des exportations intra-africaines s’élève à 22 milliards de dollars (des États-Unis), avant même le déploiement des efforts pour développer les chaînes de valeur.

Si les opportunités sont grandes, la nécessité d’agir l’est tout autant. L’empreinte de l’Afrique sur le marché international est encore faible, puisqu’elle ne représente que 2,3 % des exportations mondiales, avec un panier d’exportation essentiellement constitué de produits primaires et de ressources naturelles. Seuls 14 % des exportations du continent sont destinées à d’autres pays africains, et une grande partie de ce commerce concerne des produits transformés. Ce qui peut surprendre, c’est que le commerce intra-africain est plus diversifié et technologiquement plus avancé que le commerce de l’Afrique avec le reste du monde. Le renforcement du commerce régional joue donc un rôle crucial pour appuyer une plus grande valeur ajoutée, la diversification des chaînes d’approvisionnement, le renforcement de la résilience, et l’industrialisation – ce qui ultimement contribuera à la création d’emplois et à l’amélioration des moyens de subsistance sur le continent.

En résumé, l’investissement dans la diversification et le renforcement des chaînes de valeur régionales, sous les auspices de la ZLECAf, est essentiel pour libérer tout le potentiel économique et de développement de l’Afrique.

Il n’y a pas de meilleur moment pour examiner cette question, à la veille du Sommet sur l’industrialisation de l’Union africaine (UA) qui doit se tenir à Niamey, au Niger.

Donner la priorité aux chaînes de valeur prometteuses

Le thème du sommet de l’UA de cette année est « Industrialiser l’Afrique : Renouveler les engagements en faveur d’une industrialisation et d’une diversification économique inclusives et durables».

Conformément à ce thème, nous, au Centre du commerce international (ITC), avons travaillé avec la Commission de l’UA et la Commission européenne pour examiner les chaînes de valeur et identifier les secteurs à fort potentiel pour le développement durable et les goulets d’étranglement qui empêchent les entreprises de réaliser pleinement ce potentiel.

Grâce à un travail approfondi à partir des données du terrain, nous avons identifié 94 chaînes de valeur prometteuses et réalisables au niveau continental. En creusant davantage, quatre secteurs apparaissent comme particulièrement prometteurs, y compris pour les petites entreprises qui représentent 90 % des entreprises dans le monde génèrent plus de la moitié des emplois : les produits pharmaceutiques, les aliments pour nourrissons, les vêtements en coton et le secteur automobile.

Chacune de ces chaînes de valeur relie au moins cinq pays africains de différentes régions. Elles reflètent les objectifs africains d’amélioration de la sécurité alimentaire, de la santé et des compétences technologiques – des éléments essentiels au renforcement de la résilience et qui en font donc des choix stratégiques pour les gouvernements et les investisseurs.

Les produits pharmaceutiques sont un secteur essentiel, en particulier au sortir de la pandémie, pour améliorer la santé et réduire les importations.

Face aux perturbations actuelles des chaînes d’approvisionnement mondiales, les aliments pour nourrissons, en s’appuyant sur le secteur agricole, vont contribuer à une sécurité alimentaire pérenne et une nutrition saine et durable.

Dans les pays les moins avancés d’Afrique, les vêtements en coton offrent à des millions de personnes la possibilité de trouver un emploi grâce à l’intégration de cette chaîne de valeur.

Le secteur automobile présente un fort potentiel de croissance du commerce intra- régional. Il offre en outre la possibilité de nouer des liens avec d’autres chaînes de valeur, telles que le cuir et les machines électriques, ainsi qu’avec des multinationales étrangères cherchant à investir.

Des entretiens avec des milliers d’entreprises, d’organisations d’appui aux entreprises, d’experts sectoriels et d’autres parties prenantes en Afrique confirment que ces secteurs sont propices à la croissance intra-régionale, comme le souligne également un nouveau rapport, Fabriqué par l’Afrique : Créer de la valeur par l’intégration.

Les entretiens montrent que la transformation est déjà en cours, comme l’illustrent certains exemples. Au Ghana, une entreprise fabrique déjà des véhicules électriques, et 60 % des ingénieurs sont des femmes. Dans les quatre chaînes de valeur sélectionnées, 77 % des entreprises interrogées écologisent déjà leurs processus de production, de la réduction de la consommation d’énergie et d’eau au recyclage des déchets, en passant par des investissements dans des emballages recyclables ou biodégradables et le développement de modèles commerciaux circulaires, comme la production de vêtements de haute qualité à partir de déchets de tissus et de vêtements d’occasion inutilisables.

L’industrialisation par les petites entreprises

Aider les petites entreprises à être compétitives et à se connecter aux chaînes de valeur est au cœur de la mission de l’ITC ; notre portefeuille de projets actuels couvre 50 pays africains. Nous appuyons la sensibilisation à la ZLECAf par le biais de plateformes en ligne, de dialogues public-privé et de cours de formation. En parallèle, nous renforçons les organisations d’appui aux entreprises et facilitons les connexions interentreprises.

Par le biais de notre initiative One Trade Africa, nous travaillons en étroite collaboration avec les décideurs politiques et les entreprises africaines pour veiller à ce que l’intégration régionale ouvre des portes non seulement aux grandes entreprises, telles que Dangote et Ethiopian Airlines, mais aussi aux petites entreprises, notamment celles détenues par des femmes et des jeunes et celles qui opèrent de manière informelle.

Pour intégrer les petites entreprises dans les chaînes de valeur régionales, il nous faut connaître leur identité, leur lieu d’activité, le genre du chef d’entreprise, et leur niveau d’engagement à l’export – en bref, leur profil détaillé. Il s’agit d’une tâche difficile en raison des importantes lacunes en matière de données. C’est pourquoi, plus tôt cette année, nous avons entrepris de cartographier le secteur privé africain.

Cette cartographie est le fruit d’un effort conjoint avec le Secrétariat de la ZLECAf. Elle couvre non seulement les caractéristiques et la compétitivité des entreprises africaines, mais aussi la performance et l’interconnexion des institutions régionales d’appui aux entreprises. Les informations recueillies viendront étayer les efforts de sensibilisation, de plaidoyer et de formation qui seront déployés dans le cadre de l’ambitieux plan d’engagement du secteur privé au sein de la ZLECAf. Toujours avec le Secrétariat de la ZLECAf, nous avons préparé un glossaire de la ZLECAf – en anglais, français, arabe et portugais – pour que les petites entreprises comprennent mieux les avantages que peut leur apporter cet accord.

L’accent mis sur ce qui fonctionne pour l’Afrique, en Afrique, sous-tend tous nos efforts pour appuyer la mise en œuvre concrète et en douceur de la zone de libre-échange à l’échelle du continent. Les petites entreprises et les décideurs politiques peuvent compter sur l’appui de l’ITC, pour aider à identifier les domaines de collaboration, et fournir les données nécessaires à la prise de décision et à la mise en œuvre de solutions aux côtés des principaux partenaires.

Pamela Coke-Hamilton, Directrice exécutive, Centre du commerce international (ITC)»

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