Professeur, écrivain, cinéaste, homme de culture engagé : Chérif KEÏTA incarne l’excellence d’un parcours artistique, intellectuel et humain d’une rare profondeur. Ce grand penseur du XXe et XXIe siècle s’impose comme l’un des visages les plus emblématiques du rayonnement culturel du Mali sur la scène internationale.

Depuis ses premiers pas sur la terre rouge de l’Afrique de l’Ouest jusqu’aux amphithéâtres du Minnesota, Chérif KEÏTA a bâti une œuvre puissante, tissée d’histoire, de mémoire et de résistance. À travers ses recherches, ses films documentaires et ses publications littéraires, il fait revivre les voix oubliées, met en lumière les héros méconnus et restaure la dignité des récits africains dans le concert des nations.
Professeur de littératures francophones à Carleton College (Minnesota, USA), il forme depuis plusieurs décennies des générations d’étudiants à la complexité et à la richesse du monde africain. Sa plume rigoureuse a donné naissance à des ouvrages majeurs, dont Massa Makan Diabaté ou encore Salif Keïta : l’ambassadeur de la musique du Mali, qui tissent un pont entre l’histoire, la littérature et la musique.
Mais c’est aussi par le cinéma documentaire que Chérif KEÏTA a su transcender les frontières. Ses films – Oberlin-Inanda, Cemetery Stories, Remembering Nokutela ou encore Namballa Keïta : un tirailleur et son village – sont de véritables enquêtes poétiques, des fresques humaines où l’histoire personnelle croise la grande Histoire. En creusant la mémoire des peuples, il répare les silences et célèbre la résilience.
Il est également un passeur de traditions orales, un défenseur du patrimoine musical malien, qu’il valorise à travers des collaborations artistiques avec des musiciens et les artistes contemporains. Son œuvre est un chant d’amour pour le Mali profond, celui des voix millénaires, des luttes silencieuses, des transmissions intimes.
Par son parcours d’exception, Chérif KEÏTA est bien plus qu’un intellectuel : il est un bâtisseur de ponts, un tisseur de mémoire, un artisan de paix entre les cultures. Son engagement sincère, depuis l’enfance jusqu’à aujourd’hui, fait de lui un génie discret mais lumineux, dont la voix porte haut les valeurs de justice, de mémoire et de beauté.
En honorant Chérif KEÏTA, c’est tout un continent que l’on salue. C’est aussi la promesse que la pensée africaine, dans sa profondeur et sa diversité, continue d’éclairer le monde.
Un passeur de mémoires, une conscience en mouvement
Philosophe de la présence et de la transmission, il se tient au carrefour des civilisations africaines comme un veilleur de l’essentiel. Gardien de la mémoire, défenseur du patrimoine culturel immatériel, sa pensée est portée par un humanisme actif, attentif aux voix oubliées, à la sagesse des aînés, à l’éducation des jeunes et à l’émancipation des femmes et des hommes.
Chaque jour, il prend son bâton de pèlerin — non pas pour prêcher, mais pour écouter, apprendre, partager. Son combat est celui de l’éducation sans frontières, nourrie par les arts, la parole vivante et les savoirs anciens. Sa démarche est celle d’un artisan du lien, tissant des ponts entre générations, entre continents, entre disciplines.
Sur la scène culturelle internationale, il prête une oreille attentive aux artistes musiciens, auteurs, cinéastes, comédiens set accompagne leurs projets avec rigueur et sensibilité. Son engagement est un souffle, une main tendue, un espace d’hospitalité pour les imaginaires africains.
Promoteur infatigable du patrimoine oral et musical du Mali, il collabore avec des artistes de renom, et tisse des liens du Sénégal à la Guinée, du Burkina Faso à la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud, du Niger aux diasporas africaines. Chaque rencontre est une conversation vivante, chaque projet une main posée sur le cœur du continent
Sur la noble personne de Monsieur Chérif KEÏTA, homme de lettres, de culture et d’engagement
Sans payer du cœur le tribut qu’il doit à sa terre natale, le Mali ô noble contrée aux trésors d’âme et d’histoire ! il s’afflige de voir l’expression culturelle et la transmission du savoir y reléguées au rang de préoccupations secondaires. Aussi, tel un preux chevalier de la pensée, il se bat, jour après jour, pour que rayonne l’enseignement et que fleurisse la formation, non seulement au sein de son pays, mais bien au-delà des frontières.
Professeur, écrivain, cinéaste, homme de culture et d’âme bien trempée, Monsieur Chérif KEÏTA s’impose, sans forfanterie aucune, comme une figure illustre du rayonnement intellectuel et artistique du Mali sur la scène universelle. Sa plume, sa caméra et sa parole s’unissent pour tresser les lauriers d’un patrimoine qu’il ne cesse de célébrer, d’interroger et de transmettre.
Son labeur, que dis-je ? son apostolat, se décline en mille et une œuvres : tantôt dans les amphithéâtres du Nouveau Monde, tantôt sur les routes poussiéreuses de l’Afrique mémoire, tantôt au cœur des archives oubliées où sommeillent les récits de ceux que l’Histoire a négligés.
Voyez plutôt les hauts faits de ce noble esprit :
Professeur de littératures francophones dans la vénérable institution de Carleton College, au royaume du Minnesota, États-Unis d’Amérique ;
Ardent promoteur du patrimoine oral et musical du Mali, tissant des alliances fécondes avec ses collègues de travail, ou hauteur,chanteurs, instrumentistes et conteurs de sa noble patrie et d’ailleurs.on esprit vagabonde du Sénégal à la Guinée, du Burkina Faso au Niger, de la Côte d’Ivoire aux rives lointaines de la diaspora, dans un même élan : celui d’unir, de transmettre, d’éclairer.Ô qu’il est rare, en ces temps de vitesse et d’oubli, de rencontrer un homme qui, sans relâche ni vanité, fait de la culture non une parure, mais une mission !
Monsieur Keita : Quand la Terre Parle, l’Homme Écoute
Dans les terres rouges et vibrantes du Mali, là où le sable murmure les secrets des ancêtres, et où le baobab abrite les confidences des anciens, s’élève la voix de Monsieur Keita — voix de science et de sagesse, voix profonde qui relie le passé aux droits de demain.
Il naquit sous le regard bienveillant du ciel, bercé par les bénédictions de la terre, élevé dans un foyer où chaque geste portait sens, où chaque silence devenait parole.
Son père, valorise coutumier et respecté, lui enseigna que la dignité humaine est sacrée, tout comme la parole donnée, le nom hérité, et le droit d’être libre, dans sa peau comme dans sa pensée.
Sa mère, tisseuse de paix et de mémoire, lui apprit à écouter la souffrance qui ne crie pas, à voir l’invisible, à comprendre que la justice naît d’abord dans le cœur, avant de se traduire en lois.
De cette éducation empreinte de rites, de contes et de silences, Keita reçut en héritage le plus noble des savoirs : la responsabilité.
«L’arbre ne renie jamais la graine qui l’a porté»
Et Keita, jamais, n’oublie les racines qui le nourrissent.
Dans un monde où l’homme oublie l’homme, et blesse la terre qui le porte, Keita se dresse.
Il n’élève point la voix pour dominer — il l’élève pour protéger.
Il défend la Terre comme un corps vivant, et l’humain comme une parcelle du divin.
Il combat la déforestation, car abattre un arbre sans conscience, c’est arracher un droit à la génération future.
Il lutte contre la sécheresse, car chaque enfant mérite une goutte d’eau pure, et chaque paysan, le respect de sa sueur.
Il dénonce la pollution, non seulement comme une offense à la nature, mais comme une violence faite aux plus vulnérables : femmes, enfants, et oubliés des villes comme des brousses.
Keita marche, il ne trône point.
Il écoute les artisans, les anciens, les éleveurs, les enfants.
Il sait que les droits humains ne sont point de froides lois écrites, mais des paroles vivantes, déjà inscrites dans les traditions de son peuple :
– dans le cercle des palabres, où chacun peut s’exprimer ;
– dans la transmission orale, où toute voix mérite d’être entendue ;
– dans la solidarité du village, où nul ne dort affamé quand un autre mange.
«Ce que l’ancêtre a su sans lire, nous devons le lire sans l’oublier. »
Oui, Keita est scientifique. Mais avant tout, il est le gardien d’une éthique ancienne, où la science marche avec la conscience.
Il milite pour des routes qui relient sans blesser, pour une éducation enracinée dans la fierté culturelle, pour une écologie qui honore à la fois les droits de la nature et ceux des hommes.
Monsieur Keita n’est point seulement un penseur.
Il est une lumière dans l’obscurité des oublis.
Il est la parole vivante des droits humains, dans un langage que même la terre comprend.
En lui, les droits humains ne sont point un idéal venu d’ailleurs.
Ce sont les tambours du village qui proclament :
Tout être humain mérite respect, parole, terre, eau et paix.
La Rencontre de Monsieur Keita avec les Dignitaires de la Tradition : Un Retour aux Sources Ancestrales
Sous le ciel ancestral du Mali, dans un village baigné par la sagesse immémoriale, Monsieur Keita — homme moderne, mais fils de la terre — s’avance, humble, le cœur habité par des questions essentielles. Il vient à la rencontre des dignitaires, du chef coutumier, du chef du village, et des anciens, gardiens de la mémoire collective et des mystères transmis depuis l’aube des temps. Sa quête n’est ni politique ni économique : elle est spirituelle, existentielle. Il vient sonder les racines, réveiller les mémoires, invoquer les forces silencieuses de l’ancestral. Car au cœur de sa démarche brûle une interrogation profonde : quelles sont les valeurs fondatrices de notre humanité noire, et comment les transmettre dans un monde en perte d’âme ?
Les vieux, drapés dans leurs boubous tissés de signes et de temps, l’écoutent en silence. Le chef coutumier, incarnation vivante de la tradition, prend la parole avec gravité, comme on ouvre un chemin sacré.
«Tu viens à nous comme on vient à la source, fils. Et la source n’oublie jamais ceux qui ont soif de vérité»
Autour du feu sacré, les anciens invoquent la cosmogonie des peuples du Mali.
Chez les Bamana, on parle du nyama, cette énergie vitale qui circule en toute chose vivante. L’initiation enseigne à ne pas la dominer, mais à l’harmoniser, à la canaliser dans le respect de l’ordre cosmique. Le Komotigi, maître de la parole sacrée, évoque les sociétés du Komo, du Nama, et du Korè : véritables sanctuaires du savoir où l’homme apprend à se connaître, à maîtriser ses passions, à s’unir à l’univers visible et invisible.
Le chef Malinké, à son tour, parle du kuma : la parole pleine de sens, transmise par les griots, mémoire vivante du peuple. Ce ne sont pas de simples récits, mais des clés pour lire l’univers, pour comprendre le rythme secret de la vie. L’initiation y est une mort symbolique de l’enfance et une renaissance à la dignité de l’adulte, responsable, solidaire, ancré dans la mémoire.
Les Sénoufo prennent la parole, évoquant le Poro, cette école spirituelle qui enseigne le lien sacré entre l’homme, la forêt et les ancêtres. Là-bas, l’homme n’est pas un individu isolé, mais un être relié, façonné par la communauté et le silence des arbres. Il apprend à lire les signes, à écouter les ancêtres, à servir la vie.
Chez les Dogon, le savoir est cosmique. Le vieux Hogon lève les yeux vers le ciel étoilé et murmure les noms d’Amma, le Dieu créateur, et des jumeaux Nommo, gardiens de l’ordre sacré. Chaque geste, chaque mot, chaque silence s’inscrit dans une géométrie divine. L’initiation y est une lente ascension vers la lumière intérieure — un chemin vers la conscience du mystère.
Enfin, les Bobo chantent la nécessité de l’équilibre entre l’homme et la nature, entre le visible et l’invisible. Leurs masques ne sont pas de simples objets rituels : ils sont les incarnations des forces de la création. La danse, les rites de passage, la musique : tout enseigne que l’humain est un trait d’union entre la terre et les étoiles.
Et là, au centre de toutes ces sagesses, la femme noire — gardienne de la vie, nourricière du monde, pilier de la communauté. Sa parole, trop souvent réduite au silence, est pourtant la matrice même de l’initiation. Elle est la première éducatrice, la mémoire intime des lignées, celle qui donne la vie et enseigne à la préserver. D’elle naît la continuité. Elle est la terre, la lune, l’eau et la parole. Sa dignité est sacrée.
Face à cette richesse, Monsieur Keita demeure silencieux. Il comprend que l’initiation n’est pas une cérémonie folklorique, mais une école de l’être, une voie d’accomplissement intérieur. Elle fonde la famille, structure la société, relie les vivants aux ancêtres, et les hommes au cosmos. Elle enseigne que l’identité noire n’est pas à inventer, mais à révéler, à travers la mémoire, la dignité, la spiritualité et l’unité.
Le chef du village conclut, sa voix comme un tambour dans la nuit :
«Si tu veux bâtir demain, souviens-toi d’hier.
Car un arbre qui oublie ses racines tombe au premier vent. »
Le Masque : Miroir sacré des Âmes et des Temps
À Messieurs Keita et Yé Lassina Coulibaly,
Compagnons en esprit, gardiens du souffle ancien, veilleurs de l’héritage vivant.
Que le silence se fasse,
Que le tumulte des jours se retire !
Voici venu le lieu des profondeurs,
Le théâtre du sacré,
Là où le verbe, tel un encens invisible,
Ne coule point comme flot léger,
Mais s’élève, grave et brûlant,
Vers les cieux antiques.
Approche, voyageur du siècle pressé,
Toi qui cours sans trêve derrière l’ombre de ton reflet.
Assieds-toi sous l’arbre de la parole,
Écoute – non de tes oreilles distraites,
Mais de ton âme, affamée de sens et de feu.
Voici le Masque,
Non comme ornement futile,
Mais comme visage de l’invisible,
Parchemin du silence, chair de la mémoire,
Souffle d’Air venu des ancêtres,
Feu sacré des lignages,
Eau vive qui coule entre les générations,
Terre féconde d’où jaillit la conscience.
Plus ancien que vos lois,
Plus durable que vos pierres,
Le Masque n’est point artifice
Il est révélation.
Il ne ment point :
Il dévoile.
Ah ! ce bois sacré,
Que seul l’artisan élu par les esprits peut toucher,
Ce bois qui vit, qui chante,
Qui pleure, qui pense…
Le masque qui en naît
Ne cache pas l’homme :
Il l’accouche.
Il l’arrache à la poussière de l’oubli
Et le rend à la lumière de son essence.
Le Masque est une Porte.
Il s’ouvre sur les morts,
Il s’ouvre sur les naissances.
Il est le seuil entre l’enfant et l’initié,
Entre le visible et le mystère.
Quand un homme le porte,
Il cesse d’être lui-même.
Il devient tous ses pères.
Ce n’est plus son pas —
C’est la danse d’un millénaire.
Voyez les peuples du pays profond :
Dogons aux récits étoilés,
Bambaras, gardiens de l’équilibre,
Sénoufos, sculpteurs d’âmes !
Leurs masques ne sont point objets figés,
Mais livres muets, prières debout, cosmogonies sculptées.
Le Kanaga trace la croix du ciel,
Le Sirige raconte la spirale des lignées,
Le Komo, vénéré et redouté,
Garde les secrets que nulle langue ne saurait dire.
Et que dire de l’enfant,
Ce germe d’univers encore clos ?
Dans l’ombre du sanctuaire, il écoute.
Dans le silence du bois, il tremble.
Il entre, pur et ignoré,
Dans la case d’initiation,
Et en ressort tissé de sens,
Enraciné dans le sol du monde,
Le cœur abreuvé de sagesse,
Le souffle accordé aux étoiles.
Car chez nous,
Naître ne suffit point :
Il faut renaître
Par la Parole,
Par le Feu,
Par le Silence,
Par le Masque.
Ô vous, générations oublieuses,
Qui vendez vos ancêtres pour un pain sans levain,
Avez-vous oublié que l’Afrique ne se dit pas ?
Elle se vit,
Se danse,
Se respire.
Le Masque n’est point folklore :
Il est philosophie vivante.
Et dans la danse rituelle,
L’enfant apprend plus sur l’univers
Qu’en mille discours modernes.
Car ici, tout est lien :
L’Arbre, le Ciel, le Souffle, le Cri.
L’Eau de la mémoire,
Le Feu de l’esprit,
La Terre des ancêtres,
Et l’Air du vivant circulent en tout.
Rien ne se perd :
Tout est trace.
Le Masque nous enseigne
Que nous ne sommes que passants dans l’éternité,
Des maillons entre les non-nés et les trépassés,
Et que tout geste s’il est juste
Prolonge la vie du monde.
Alors que nul ne tourne le dos au Masque.
Qu’on ne l’enferme point derrière une vitre étrangère !
Il est temple qui marche,
Il est parole silencieuse,
Il est le miroir dans lequel l’Afrique se regarde… et se reconnaît.
Et peut-être, oui, peut-être,
Lorsque tu croiras contempler le masque en face…
Ce ne sera point lui que tu verras.
Mais toi-même,
Mis à nu,
Débarrassé de tes masques d’oubli,
Et prêt, enfin, à renaître homme.
Le Masque et la Société Secrète : Gardiens de l’Invisible depuis la Nuit des Temps
En hommage à Monsieur Keita et Monsieur Yé Lassina Coulibaly,
Deux témoins de la flamme vive qui traverse les siècles.
Prologue — Le Berceau et la Promesse
Avant que les nations ne se dressent,
Avant les rois, les empires, les livres,
Il y eut la Terre rouge d’Afrique,
Berceau du souffle humain,
Patrie première de l’humanité tout entière.
C’est là, sur cette terre chaude de mémoire,
Que Lucie, mère silencieuse, laissa sa trace dans la poussière.
C’est là, bien plus à l’Est, que Toumaï, l’aîné des regards,
Songeait déjà au soleil levant des âges futurs.
Et depuis ce matin du monde,
L’Afrique n’a cessé de chanter l’homme,
De le façonner dans la glaise et l’esprit,
De le relier aux étoiles par le rituel,
Et de le vêtir d’un masque,
Pour qu’il se souvienne d’où il vient… et où il va.
I Le Pacte Ancien : Le Masque et les Gardiens
Sur toutes les terres de ce vaste continent,
Des falaises du Mali aux rivières du Ghana,
Des plaines du Botswana aux montagnes d’Éthiopie,
Des forêts du Congo aux collines d’Ouganda,
Des déserts de Namibie aux lacs du Kenya,
Et jusqu’aux rives du Togo, du Nigeria, du Cameroun,
Les sociétés secrètes ont tissé un fil invisible,
Plus résistant que l’acier, plus ancien que l’écriture.
Le Bwami des Lega,
Le Poro des peuples mandingues,
Le Ngil chez les Fang,
Le Komo et le Nama chez les Bambaras,
Le Mukanda en Angola, Namibie, Zambie,
Le Sande des femmes initiatrices,
Les cultes du Vodoun du Bénin et du Togo,
Les rituels des Xhosa, Zulu, Kikuyu,
Tous ont parlé un même langage sacré :
Celui du Masque.
Il n’est ni folklore, ni mythe figé.
Il est le pacte entre les vivants et l’invisible,
Entre l’enfant et l’ancêtre,
Entre l’homme et son destin cosmique.
II Les Quatre Éléments : Langage des Rituels
Le Feu, c’est l’épreuve, la forge de l’âme, la parole qui éclaire.
L’Eau, c’est la mémoire des anciens, la guérison et le chant.
L’Air, c’est le souffle du masque, la pensée en mouvement.
La Terre, c’est l’enracinement, le sang des lignées, la vérité.
Chaque geste, chaque masque, chaque silence du rituel
Invoque l’un de ces éléments.
Ils ne sont pas symboles abstraits,
Mais forces vivantes que les sociétés secrètes ont su écouter,
Et que les porteurs de masque incarnent.
III L’Enfant, le Masque et la Renaissance
Dans la case d’initiation,
L’enfant entre nu, fragile, ignorant.
Il en ressort homme parmi les hommes,
Portant le savoir, la justice, la retenue.
Il devient pilier du monde,
Non par force, mais par compréhension.
Car le masque n’effraie pas : il enseigne.
Il guide, révèle, transforme.
Il dit que l’homme n’est pas un individu seul,
Mais un fleuve nourri par mille sources,
Dont chaque goutte est une mémoire.
IV Une Afrique Invisible, mais Présente
Cette Afrique-là ne fait pas la une des journaux.
Elle ne se chiffre pas.
Mais elle vit, elle bat, elle veille.
Elle est dans chaque chant qui monte d’un village,
Dans chaque tambour qui bat la nuit,
Dans chaque cercle où l’on parle aux morts,
Dans chaque silence où l’on écoute les vivants.
Elle est là — de la Tanzanie au Tchad,
Du Bénin au Burkina,
Du Mozambique à la Côte d’Ivoire,
Dans tous les cœurs qui refusent l’oubli.
V Aujourd’hui : Et Toi, Homme Moderne ?
Toi qui vis dans le tumulte numérique,
Toi qui as mille amis mais plus d’ancêtres,
Toi qui cherches l’avenir dans les machines,
Écoute…
Le masque n’est pas mort.
Il attend.
Il espère.
Il te regarde.
Et Messieurs Keita et Coulibaly,
En partageant ces valeurs avec ferveur,
Ne défendent pas seulement le passé
Ils protègent l’avenir.
Un avenir où l’homme sera à nouveau en dialogue
Avec son souffle, sa mémoire, sa planète.
Épilogue – Quand l’Afrique Chante
Lorsque le masque entre dans la danse,
Ce n’est pas un homme que tu vois,
Mais l’Afrique entière qui se lève,
Qui parle, qui rêve, qui enseigne.
Et peut-être, si tu l’écoutes vraiment,
Tu entendras dans ce silence dansé
La première grammaire du monde,
La voix de Lucie, de Toumaï, de tous les sans-nom,
Te dire que l’humanité commence ici —
Et qu’elle peut, encore, recommencer en beauté.
CHANT DES RACINES ÉTERNELLES
Depuis la nuit des temps, avant les murailles, avant les livres,
Lorsque la parole se portait nue, portée par le vent,
L’Afrique parlait déjà.
Non par la voix d’un seul homme,
Mais par les souffles mêlés du sable, de la pluie,
Du cri du lion, du silence des roches.
Elle enseignait sans école, transmettait sans écrire,
Sa science passait de bouche en bouche,
De regard en regard,
De griot en enfant,
De femme en mémoire.
Dans la plaine infinie du Sahel,
Sous le regard bienveillant des étoiles,
Les Peuls marchaient — peuple du souffle et de la sagesse,
Gardien des troupeaux, mais aussi des rêves.
Ils savaient lire les cieux sans télescope,
Et comprendre la bête sans la dominer.
Leur pas est prière, leur regard est vision.
Ils savent que l’animal n’est point serviteur,
Mais frère d’âme, compagnon d’éternité.
À Ségou, sur les rives vivantes du Niger,
Vivent les Bozos, maîtres de l’eau.
Ils parlent au fleuve comme à un ancien,
Et le fleuve leur répond, avec la patience des dieux.
L’eau n’est pas seulement à boire :
Elle est mémoire, passage, esprit mouvant.
Dans chaque vague, un proverbe.
Dans chaque remous, un secret du monde.
Du Tchad à la Guinée,
Du Mali à l’Éthiopie,
De la Côte d’Ivoire à l’Ouganda,
Des voix s’élèvent, vastes et subtiles,
Chantant la cosmogonie des éléments :
Le sable du Sahara,
Qui porte les pas des ancêtres comme des poèmes effacés.
L’arbre, sentinelle vivante,
Dont chaque feuille connaît un secret de l’univers.
La roche, gardienne des temps immobiles,
Où les esprits anciens dorment sans jamais mourir.
Et le vent, le vent !
Ce messager invisible qui relie les villages au ciel.
Car ici, tout parle. Tout enseigne.
L’homme ne domine pas la nature,
Il en fait partie.
Il ne tranche pas entre l’esprit et le corps,
Il les réunit.
C’est cela, la science africaine.
Non une domination du monde,
Mais une écoute. Une relation. Une réciprocité.
Et ces valeurs-là vivent encore,
Elles brillent dans les pas de ceux qui incarnent la sagesse.
Monsieur Keita, penseur du juste et de la dignité,
Dont la voix rappelle que la politique n’est pas pouvoir,
Mais service.
Monsieur Diallo, héritier des voix peules et des savoirs pluriels,
Portant l’humanité comme un souffle collectif.
Monsieur Coulibaly, bâtisseur de ponts entre les âges,
Qui sait que chaque enfant d’Afrique
Est la mémoire du monde.
À travers eux, la parole des ancêtres devient action.
La philosophie devient semence.
Et la connaissance, une lumière pour demain.
Car la vie est précieuse,
Non pour ce qu’elle possède,
Mais pour ce qu’elle relie.
Et c’est là la science humaine :
Reconnaître en chaque être, en chaque forme,
Une parcelle de l’infini.
LES CŒURS ANCIENS
À tous les enfants du monde. Pour qu’ils n’oublient jamais ce qu’a enseigné l’Afrique.
Ils étaient deux.
Un homme et une femme.
Mais en vérité, ils étaient des mondes.
Deux univers porteurs de toute l’Afrique.
Elle, gardienne du feu doux.
Lui, veilleur des étoiles du soir.
Ils ne s’étaient pas choisis seulement par le regard.
Ils s’étaient appelés depuis longtemps,
Par les gestes transmis,
Par les pas de leurs lignées,
Par les murmures ancrés dans la mémoire des corps.
Leur amour n’était pas simple tendresse.
Il était pacte silencieux,
Alliance subtile entre la terre et le souffle,
Entre la parole et l’écoute,
Entre la lenteur et la profondeur.
Dans leurs bras s’endormaient les mémoires.
Et quand ils s’étreignaient,
C’étaient les civilisations qui se souvenaient d’elles-mêmes.
L’écho de Soundiata traversait leurs souffles.
Les langues peules dansaient sur leurs lèvres.
Les tambours du royaume du Mali résonnaient sous leur peau.
Ils marchaient dans la nuit en parlant aux arbres.
Ils s’unissaient comme on médite,
Et méditaient comme on s’unit —
Avec lenteur, avec clarté, avec confiance.
Leurs corps devenaient langage.
Leurs âmes, des passerelles entre les temps.
Car en Afrique, l’amour est un savoir.
Une connaissance patiente,
Transmise de mère en fille,
De père en fils,
Par les gestes invisibles,
Par les silences qui portent plus que les mots.
C’est dans ces valeurs que les enfants apprenaient
Leur véritable nom de famille.
Non seulement ils s’en souvenaient,
Mais ils en étaient fiers.
Ils le dansaient, le chantaient,
Et, tout au long de leur vie,
Ils le racontaient avec gratitude.
Les anciens les regardaient,
Et voyaient l’avenir.
Les enfants les écoutaient,
Et entendaient l’origine.
Car la réussite de l’amour en couple
Était la plus haute éducation.
C’était le but, l’espérance totale.
Un enfant élevé dans cet amour-là
Devenait gardien du foyer, veilleur du village.
Et sur la place publique, il chantait haut et fort
Les valeurs reçues de ses parents.
Car l’amour véritable,
Tel que nos aïeux nous l’ont enseigné,
Retarde la mort,
Et donne à chaque aurore
L’audace de croire encore à la vie.
Il est mémoire vivante,
Et souffle d’éternité.
Ce sont ces valeurs — la loyauté, la patience, le respect,
L’art de tenir, de céder, de revenir —
Qui forment la base solide
Sur laquelle un enfant peut marcher,
Un peuple se redresser,
Et l’humanité rêver à nouveau.
C’est là que naît la victoire en amour.
Le couple, disait-on,
Est la première école,
La première mémoire.
C’est là qu’on découvre que l’amour n’est pas possession,
Mais présence.
Non domination, mais transmission.
Ainsi vivaient-ils,
Non dans la gloire des livres,
Mais dans celle, plus grande encore,
D’une vie en accord avec la pensée profonde.
Ils étaient l’Afrique.
Non celle des frontières,
Mais celle des cœurs anciens,
Où chaque être est gardien d’un feu,
Et chaque amour, une œuvre.
Yé Lassina Coulibaly art et culture,
Site officiel : www.yecoulibaly.com
Artiste auteur-compositeur interprète Musicothérapie sociétaire de la SACEM, ADAMI, SPEDIDAM, Union des Artistes Burkinabés Chevalier de l’ordre du mérite, des lettres et de la communication (agrafe musique et danse) du Burkina-Faso. concert, spectacle, pédagogie 00 336 76 03 71 66
































