Les hommages aussi élogieux les uns que les autres se succèdent à l’annonce du décès du journaliste, écrivain, homme de culture, Yacouba Traoré, ancien directeur général de la Radiodiffusion Télévision nationale du Burkina. Ainsi, pour l’homme de culture burkinabè, Yé Lassina Coulibaly, auteur-compositeur interprète qui l’a connu lorsqu’il était attaché de presse à l’ambassade du Burkina à Paris, n’était pas un simple homme de médias. Simplement, «il était un souffle au cœur du Faso». Voici l’intégralité de son hommage.

«Yacouba Traoré-Un souffle au cœur du Faso
Hommage de Yé Lassina Coulibaly
Monsieur Yacouba Traoré n’était pas un simple homme de médias.
Il était un souffle.
Un souffle noble, profond, discret.
Un souffle d’espoir et de conscience,
Offert tout entier au peuple du Burkina Faso,
Et, par-delà les frontières, à toute l’Afrique.
Il portait le Faso dans le sanctuaire de son cœur,
La culture pour écharpe, la souveraineté pour compas.
Il croyait en une patrie debout, digne, éclairée par son propre flambeau.
Il luttait avec grâce pour les droits de l’Homme,
Pour la justice sociale,
Et pour que jamais ne s’éteigne la voix des sans-voix.
Ce n’était pas un homme pressé.
C’était un homme présent — véritablement présent.
Présent aux événements familiaux,
Présent dans les larmes comme dans les réjouissances,
Présent pour honorer, soutenir, écouter.
Il ne manquait ni concert, ni spectacle, ni première.
Le théâtre nourrissait son âme,
La danse éveillait ses sens,
Le cinéma enflammait son esprit.
Comédiens, comédiennes, scénaristes, réalisateurs,
Acteurs de l’ombre ou astres naissants de la scène,
Il leur ouvrait l’oreille et tendait la main,
Prêt à conseiller, encourager, épauler.
Il comprenait l’art comme on comprend une langue sacrée :
Avec ferveur, avec respect, avec passion.
À travers Fadima TV, à travers ses mots, ses silences, ses gestes,
Il fit jaillir un espace d’expression,
Un souffle de liberté pour des voix longtemps muselées.
Yacouba Traoré,
C’était la voix du travail bien fait,
Le pas sûr de celui qui sait d’où il vient,
Et l’esprit généreux de celui qui marche pour tous.
Il croyait aux valeurs familiales,
Quelles qu’en soient les formes.
Il croyait en l’amitié profonde,
En la solidarité tissée de cœurs sincères et d’actes vrais.
Aujourd’hui, ce bâtisseur de mémoire,
Ce serviteur de la vérité,
Ce passeur de culture,
Nous quitte… mais son souffle, lui, demeure.
Il flotte encore dans nos studios,
Sur nos scènes, nos plateaux, nos salles obscures,
Dans chaque mot chargé de sens,
Dans chaque image portée avec dignité.
Yacouba,
Homme d’écoute, d’engagement et de lumière,
Que la terre libre du Faso t’accueille avec tendresse.
Que l’écho de ton œuvre continue d’éclairer les générations.
Ton nom, ton œuvre, ton esprit vivront encore longtemps.
Éloge d’un homme de conviction, bâtisseur d’âmes et passeur de civilisations
Messieurs, qu’on me permette, en ce jour solennel, de tirer le rideau de l’oubli, pour laisser paraître la figure auguste d’un homme rare, dont l’âme, vaste comme la savane de son pays natal, portait en elle les chants anciens de nos ancêtres et les clameurs neuves de l’avenir.
N’était-il pas, ce vaillant homme, tout entier tendu vers la mémoire vivante de nos aïeux ?
Il s’asseyait, le front serein, à la table des villages, là où le vent parle encore la langue des anciens, et prêtait une oreille attentive aux chefs coutumiers, ces sentinelles de la tradition qui gardent les clefs de nos valeurs.
Il ne voyait pas dans ces rites la poussière d’un autre âge, mais bien un terreau fécond, d’où naissent le sens, la dignité et la parole juste.
Chaque artisan, chaque éleveur, chaque cultivateur du Burkina Faso trouvait en lui un miroir fidèle, une oreille compatissante, un cœur prompt à secourir, une main toujours tendue.
Quand le devoir appelait, il répondait sans délai. Jamais il ne se détourna de l’action.
Il portait, gravé dans le marbre de son être, le souci ardent du progrès.
Mais pas un progrès aveugle — non !
Point de modernité qui foule aux pieds nos racines.
Il œuvrait, tel un alchimiste éclairé, à faire jaillir la lumière du futur sans éteindre le feu du passé.
Il avait pour noble dessein de faire rayonner notre civilisation – non par la conquête, mais par l’exemple, par le verbe, par l’art et l’industrie.
L’industrialisation n’était pas, pour lui, un simple projet économique : elle incarnait une vision. Celle d’un peuple qui se dresse, fier, maître de son destin, façonnant lui-même les outils de sa prospérité.
Le numérique, que beaucoup croient domaine froid et sans âme, il le chargeait d’une mission haute : transmettre, relier, éduquer.
Là où d’autres multipliaient les écrans, lui multipliait les ponts entre les esprits.
Et dans la parole, il mettait un soin rare.
Il savait — ô combien il le savait ! — que la parole est semence d’action.
Jamais il ne parlait à tort ni en vain.
Chaque mot lancé dans l’arène publique était mûri, lesté de sens, et portait la promesse d’un monde meilleur.
C’était un homme de conviction — non de ces convictions molles que l’on troque à la première averse, mais de celles qui résistent au tumulte, qui brûlent sans consumer, et qui élèvent sans dominer.
Oui, Mesdames, Messieurs, c’était un bâtisseur.
Un bâtisseur d’avenir, mais aussi un passeur :
— entre le Burkina Faso et l’Europe,
— entre l’Afrique et le monde,
— entre le passé et le futur que nous appelons de nos vœux.
Il tendait la main non pour quémander, mais pour dialoguer, pour offrir la richesse de notre culture au banquet des nations.
Que son nom demeure dans la mémoire des hommes comme un flambeau dans la nuit,
Et que son œuvre inspire ceux qui, demain, prendront la relève.
Des éléments et des hommes – Hommage à Monsieur Traoré Yacouba
Lorsque les quatre éléments — la Terre, l’Eau, le Feu et l’Air — se mirent à danser au rythme de l’innovation,
Lorsque la science osa toucher aux lois secrètes de la nature,
Et que les cultures songèrent à bâtir des ponts entre leurs savoirs anciens et le temps nouveau,
Un homme, parmi tous, se leva.
Oui, Mesdames, Messieurs,
Lorsque le monde semblait vaciller entre modernité effrénée et perte d’âme,
Monsieur Traoré Yacouba fut de ceux qui tinrent la posture droite, l’esprit clair, le cœur ardent.
Là où d’autres voyaient contradiction, il sut voir complémentarité.
Là où certains dénonçaient rupture, il traçait la ligne continue de la transmission.
Partout où la dignité des peuples était en jeu, il se levait.
Lorsqu’un drapeau s’élevait pour l’honneur, il en tenait la hampe avec fierté.
Il portait en lui le souffle du Burkina Faso,
Et, plus encore, celui de toute l’Afrique qui lutte, qui apprend, qui s’élève.
C’est dans l’éducation, la formation, l’enseignement,
Que ce noble bâtisseur plaça les fondations de sa pensée.
Il savait — ô combien il savait ! — que sans esprit nourri, sans jeunesse instruite, sans culture transmise,
Un peuple marche à tâtons, privé de sa lumière intérieure.
Il fit de l’école un sanctuaire,
De la parole un flambeau,
De la connaissance une arme de paix.
Car pour lui, chaque élève était une promesse,
Chaque classe une pépinière de citoyens,
Chaque leçon un pas vers la liberté véritable.
Le temps moderne est venu, comme un fleuve impétueux,
Charriant avec lui technologies, défis numériques et mutations du monde.
Mais lui, au lieu de s’en effrayer, les accueillit comme on accueille la pluie après la sécheresse
Avec prudence, mais avec foi.
Il a su conjuguer —oui, conjuguer !
La tradition au présent,
La science au respect des coutumes,
Le progrès à l’âme des peuples.
Il fut ce lien rare entre le savoir ancien et l’intelligence nouvelle.
Un homme qui ne trahissait pas les siens en regardant l’avenir,
Mais qui honorait les ancêtres en construisant demain.
Et ainsi, dans le cœur battant de Yacouba Traoré
Yé Lassina Coulibaly
auteur-compositeur interprète , le 17 août 2025»

































