Les bons équipements sont nécessaires à l'accomplissement des missions des soldats du feu

Dans cette tribune, Ousmane Somah dit Makaibo que l’on ne présente plus, décrit avec force détail les difficiles conditions de travail des sapeurs-pompiers burkinabè. Il se pose ainsi en avocat de ses collègues et compatriotes, puisqu’il est lui-même pompier en Allemagne, exhortant les pouvoirs publics à sortir du cycle de l’hypocrisie qui consiste à décorer à titre posthume les soldats du feu tombés au cours des opérations périlleuses, or qu’il aurait été plus judicieux de les doter de matériels adéquats de leur vivant.

Les bons  équipements sont nécessaires à l'accomplissement des missions des soldats du feu
Les bons équipements sont nécessaires à l’accomplissement des missions des soldats du feu

Mauvais procès fait aux sapeurs-pompiers burkinabè (BNSP) « Sauver ou Périr », voici ce que l’on peut lire comme devise des sapeurs-pompiers du Burkina Faso. Voici des femmes et des hommes courageux qui risquent quotidiennement leur vie pour sauver la nôtre sans parfois une once de gratitude de notre part. Nous restons cloîtrer aux critiques sans chercher parfois à aller à la source de l’information. Tenus par le « secret militaire », les sapeurs-pompiers burkinabè font un travail exceptionnel dans la protection civile. Ils acceptent parfois prendre des coups du grand public sans trop réagir, mais la réalité est tout autre. Ces femmes et hommes ne sont pas imperméables aux critiques. Ils acquiescent dans la douleur et parfois dans le remord.

D’abord en être humain et ensuite en chefs de familles, beaucoup de sapeurs-pompiers vivent avec des chocs traumatiques assez forts, surtout lorsqu’ils ont eu à dégager des morceaux de corps humains des wracks de véhicules accidentés. Il est bon de critiquer ou d’insulter quand on n’est pas soi-même dans le feu de l’action.

Après des heures d’extinction d’un incendie, seul face au feu ravageur et dévastateur, on devient un autre être. On n’est plus celui d’avant. Le pire, c’est bien quand ce moment arrive, où vous montez ensemble dans le véhicule-extincteur pour aller sauver des vies et limiter les dégâts et que l’un des vôtres y reste. La douleur est forte et la culpabilité grande. Au Burkina Faso particulièrement, les insultes fusent tous les jours à l’endroit des sapeurs-pompiers sans que personne ne se demande réellement ce que les hommes de troupes vivent. Nos sapeurs-pompiers ne sont pas trop bavards.

Cela a des avantages, mais aussi de nombreux inconvénients. La plupart du matériel qu’ils possèdent, sont généralement de fabrication française. Ce matériel est souvent le fruit de don de troisième ou quatrième main ou carrément du matériel déclassé. Nos hommes reçoivent ce matériel et tentent de lui donner une autre vie sur nos terres. De la brigade centrale de Ouagadougou en passant par les sous-brigades des treize (13) régions, nos pompiers se donnent corps et âme pour nous rassurer. Ne dit-on pas que même la plus belle femme du monde n’offre que ce qu’elle a?

Un manque criard de véhicules

Certains nous dirons que c’est bien leur travail et qu’ils se débrouillent comme ils peuvent. C’est leur bon droit! Mais il est aussi bon de reconnaître que les sapeurs-pompiers ont aussi des droits et non seulement des devoirs.

S’ils ne se plaignent pas, ce n’est pas parce qu’ils ne peuvent pas le faire. Ils se taisent seulement par patriotisme, un patriotisme peut-être un peu déplacé. Il y a six (6) compagnies qui essayent de couvrir la ville de Ouagadougou. Elles essayent tant bien que mal d’être représentatives sur toute l’étendue de la ville de Ouagadougou. Ainsi, nous avons Baskuy (centre), Signoghin (route de Ouahigouya), Boulmiougou (route de Bobo).

Au centre, Baskuy est chargé de la gestion des véhicules. Les véhicules sont, comme déjà mentionné, soit des dotations étatiques ou de la coopération décentralisée, soit des dons de bonnes volontés. La quotité fourniture de l’Etat en matériels pompiers a fortement baissé au cours de ces dernières années. Seuls les dons sporadiques et les promesses existent. Par centre, nos braves Hommes du feu essayent d’avoir un minimum fonctionnel, c’est à dire deux (02) véhicules anti- incendies, une ambulance et un véhicule avec échelle automatique pour des cas d’incendies en hauteur. Il est à noter que pour tout le Burkina Faso, nous n’avons qu’un seul véhicule avec échelle automatique.

Si un bâtiment à étages devrait brûler à Fada ou à Banfora, on ne saurait compter sur nos sapeurs-pompiers. D’ici là qu’ils ne quittent Ouagadougou pour Fada N’Gourma ou Banfora, l’immeuble serait en cendres. Certaines compagnies ont jusqu’à une centaine de kilomètres de zone d’intervention avec des véhicules plus ou moins amortis. En plus de ce manque criard de véhicules, il y a un manque assez remarquable de consommables pompiers tels que les liquides d’extincteurs d’hydrocarbures.

1615 victimes, 60 décès, 84 incendies, 933 accidents

Dans ce domaine, nos sapeurs-pompiers sont dépendants de la coopération interinstitutionnelle avec des structures telles que l’ASCENA et la SONABHY. En cas d’intervention, il faut une autorisation spéciale de ces structures avant l’utilisation de leurs matériels. En ce qui concerne les équipements, nos Hommes manquent du minimum vital en équipements personnels, tel que les vestes anti- incendies, les bottes, les gangs, les ceintures, les tenues. Certains Hommes de rangs utilisent même des tenues de seconde main ou déclassées venues de la France. Aussi, il faut noter la non-uniformité entre les tenues.

L’oxygène fourni aux Hommes pour affronter les flammes est livrée par un privé, qui la facture à son gré (nous tairons le nom de la structure). Chaque centre « opérationnel serait doté d’un ordinateur pour stocker les données. Il est crucial de noter que les ordinateurs utilisés sont des pentiums, des vieilleries dépassées et en dessous des attentes du moment. Ne serait-ce que pour la formation continue personnelle des Hommes, les compagnies devraient avoir internet pour coordonner et faciliter les opérations.

Pour 2015 (jusqu’au 17 août 2017), la compagnie de Boulmiougou a fait au total 1630 interventions (1615 victimes, 60 décès, 84 incendies, 933 accidents de la circulation, 117 évacuations sanitaires, 02 bébés abandonnés, 07 pendaisons, 15 faits d’animaux, 17 fausses alertes, 181 alertes motivées et 10 décès). Au niveau du matériel de sport pour le maintien des Hommes, il y a un sérieux manque. Il manque sérieusement du tout. Ainsi en 2015 jusqu’au 17 août, la brigade de Signoghin avait enregistré 1608 interventions dont 30 décès et 1474 victimes dues à diverses causes. Les chambres de repos des soldats du feu manquent de matelas, 95% du matériel est obsolète.

Grand temps de quitter le tâtonnement

Le service casernement est quasi-absent et comme dans presque toutes les compagnies, les cimetières de véhicules sont présents. Des ambulances sont aux arrêts (problèmes de démarrage, de moteur ou de freins) ou sur cales ou si elles sont en état de marche, elles sont surutilisées. L’un des fleurons de la flotte des sapeurs-pompiers nommé l’International, un véhicule d’une grande capacité de transport d’eau est aux arrêts pour un problème de moteur.

Voici brièvement ce que vivent nos soldats du feu. Ils veulent bien travailler, mais avec quoi? Le but de cet article est d’interpeler de façon citoyenne les autorités à jouer pleinement leur rôle. Même si nos Hommes ont un courage de lion, il ne faut pas les envoyer expressément à la mort. Un sapeur-pompier sans équipement est comme un lion édenté. Il ne peut que constater les dégâts. Il est grand temps que nous quittions le chantier du tâtonnement pour nous mettre au travail et ce de façon professionnelle. Il faut arrêter vite cette hypocrisie nationale qui consiste à déposer sur le cercueil du soldat ou du sapeur-pompier une médaille rouillée qui ne lui servira pas mort.

De son vivant, ce qui lui ferait plus honneur, c’est le matériel de travail pour aider donner à une résilience aux populations sinistrées. Ouagadougou a commencé à connaître ses premiers gratte-ciel, donnez du matériel aux Hommes, afin que ces immeubles ne deviennent pas ceux de la mort. Si les compagnies sapeurs-pompiers de Ouagadougou sont aussi mal dotées, qu’en est-il de celles de nos différentes régions? Courage à vous soldats du feu!

Makaiboo,  Sapeur-pompier volontaire – Écrivain – Didactien en bandes dessinées – Graffeur – Consultant en langue

 

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