La prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC) contribue à la montée du grand banditisme et exacerbe l’insécurité au Burkina Faso. Dans le contexte actuel de terrorisme, ces armes légères sont fréquemment utilisées pour commettre des violations des droits humains et du droit humanitaire, dont des massacres, des déplacements forcés, des violences fondées sur le genre et des assauts contre des forces de défense et de sécurité.
Les armes légères illicites exacerbent aussi les conflits intercommunautaires et la surexploitation des ressources naturelles, et facilitent la commission de toutes sortes d’activités criminelles. Lutter contre le terrorisme suppose aussi atténuer la prolifération de ces ALPC.
En Droit International Public (DIP), les armes sont traditionnellement classées en deux catégories suivant leurs effets destructeurs :
– les armes de destruction massive (ADM) incluant les armes nucléaires, chimiques et bactériologiques (ou biologiques) ;
– les armes conventionnelles ou classiques réparties en deux sous-catégories : les armes conventionnelles lourdes et les armes légères de petit calibre (ALPC).
Selon un rapport de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies adopté en 1997, les armes légères sont des armes pouvant être transportées par un véhicule léger ou un animal de trait. Parmi celles-ci on peut citer : les mitrailleuses lourdes, les lance-grenades, les canons anti-aériens portatifs, les canons antichars portatifs et les fusils sans recul, les lance-missiles et lance-roquettes antichars portatifs, les lance-missiles anti-aériens portatifs, les mortiers de calibre inférieur à 100 millimètres.
Expressions «armes légères»
Pour ce qui est des armes de petit calibre, elles sont plus faciles à manipuler et moins encombrantes que les premières. Elles sont conçues pour être portées, utilisées et entretenues par une seule personne et constituent les armes individuelles. Parmi celles-ci on peut citer : les revolvers et pistolets à chargement automatique, les fusils à répétition ou semi-automatiques, les fusils d’assaut, les mitrailleuses légères.
En général, on utilise les expressions «armes légères», «armes de petit calibre», «armes légères et portatives», «petites armes» pour désigner ces deux types d’armes. Ce sont des armes peu coûteuses, faciles à obtenir et faciles à utiliser. Les armes légères et de petit calibre alimentent les conflits intérieurs et la violence.
Elles sont en lien direct avec bien d’autres maux tels que les meurtres, les suicides, les blessures, les traumatismes psychosociaux, les agressions, les cambriolages, les viols, le terrorisme, la criminalité organisée, le trafic d’armes et de stupéfiants et la traite des êtres humains, etc. Leur nombre élevé conduit à la militarisation de la société.
En Afrique de l’Ouest, la prolifération des armes légères et de petit calibre constitue une sérieuse menace pour la paix, la sécurité des biens et des personnes. Plus de 30 millions d’armes légères circulent sur le continent. Au Burkina Faso en 2008, l’enquête nationale sur la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC) a fait ressortir un état des lieux critique sur la circulation des ALPC. Plus de deux millions d’ALPC circulaient au pays. Les causes de la prolifération des ALPC au Burkina Faso se situent à différents niveaux. Il y’a d’abord la situation géographique du pays.
La révolution toutes les armes n’ont pas été restituées.
Situé au coeur de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso est en effet entouré d’anciens foyers de tensions (Sierra Leone, Libéria, Guinée-Bissau, Côte d’ivoire). A cette situation, il faut ajouter la porosité des frontières qui ne permet pas un contrôle efficace des entrées d’armes légères. Le pays compte plus d’une vingtaine d’entrées frontalières, mais le territoire national reste difficilement couvert par les services de police et de gendarmerie.
Il y’a ensuite l’héritage révolutionnaire. Sous la révolution, (1983-1987), les artisans locaux ont été mis à contribution et plusieurs armes ont été distribuées aux comités de défense de la révolution (CDR). A la fin de la révolution toutes les armes n’ont pas été restituées.
La crise sociale et militaire de 2006 a également été une occasion pour faire circuler des armes de manière illicite. Mais c’est surtout les mutineries de 2011 qui ont entrainé une hausse du phénomène. En effet et outre les armes qui ont été frauduleusement soustraites des casernes et dont beaucoup n’ont pas été retournées, il y a également tous ces civils qui ont décidé de s’acheter des pistolets pour leur propre sécurité. Mais pas toujours dans les conditions requises.
En 2012, la situation au Mali est venue s’ajouter avec ses multiples répercussions sociales et sécuritaires. Selon la commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères (CNLPAL), 39% du trafic intérieur des armes provient du Ghana, 6% du Mali et 19% de la Côte d’Ivoire.
Faire preuve de fermeté et de rigueur
Au Burkina Faso, la CNLPAL mène déjà de nombreuses actions. A l’échelle du Sahel, les États doivent travailler à harmoniser leurs législations en matière de lutte contre les trafics illicites et le crime organisé, renforcer les capacités des FDS notamment les services de douane et de police pour démanteler les réseaux de trafics illicites en termes de matériel de détection des produits illicites, de surveillance des zones à risque.
Parallèlement à ce renforcement des capacités, la coopération sous-régionale entre ces services devra être renforcée. Ils doivent aussi appliquer les sanctions prévues par les législations des différents pays en matière de corruption, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. L’impunité encourage le développement du crime organisé en Afrique.
Il convient enfin d’initier des plans d’aménagement du territoire dans tous les pays sahéliens pour corriger les disparités de développement entre les régions périphériques et les régions dites «favorisées».
Ces programmes devront être accompagnés de plans de mise en œuvre avec des activités programmées dans le court, moyen et long terme pour lutter contre la pauvreté et exploiter les potentialités économiques, sociales et culturelles des régions périphériques.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou