Selon le rapport de l’OMS sur l’état de la santé dans la région africaine publié en 2018, les systèmes de santé en Afrique sont peu performants et n’atteignent que 49 % des résultats qu’ils pourraient réaliser. Face à ce constat, le think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest, WATHI, dans son Mataki intitulé «Comment améliorer le fonctionnement des systèmes de santé en Afrique de l’Ouest au bénéfice des  populations ? », recommande de placer les politiques de prévention au cœur des systèmes et politiques de santé. Cela diminuerait l’incidence de nombreuses maladies et réduirait la pression sur les structures de santé qui, pour la plupart, ne sont pas en mesure d’assurer des soins décents et de qualité aux patients.

‘’La sensibilisation communautaire, clef de voûte de toute politique efficace de prévention des maladies

La pandémie actuelle de Covid-19 a replacé dans le débat public la question de la prévention à travers les gestes barrières, la vaccination ou encore les tests de dépistage.

Avant que les vaccins contre la Covid-19 ne soient disponibles, la stratégie de prévention contre le virus   avait comme fondements la sensibilisation des populations sur le respect des gestes barrières, l’identification rapide des symptômes et l’isolement des potentiels cas. Du fait de cette sensibilisation massive partout dans le monde, le port du masque, jadis limité au personnel médical, s’est démocratisé et systématisé. Il en est de même pour l’utilisation quotidienne, plusieurs fois par jour, du gel ou liquide désinfectant à base d’alcool. Cette sensibilisation massive avait même eu pour résultat l’arrêt de la mythique poignée de main dans les pays africains où cette forme de salutation est profondément ancrée dans les mœurs.

En 1948, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définissait la prévention comme « l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps». Ces mesures peuvent aller de la vaccination à la sensibilisation des populations ou encore la mise en place de centres d’information et de dépistages de certaines maladies sur toute l’étendue du territoire national.

Des politiques nationales de sensibilisation encore trop souvent basées sur la vaccination

Bon nombre de pays de la région ont centré leur stratégie de prévention des maladies autour de la vaccination, qui pourtant n’est qu’une parmi d’autres méthodes de prévention. La vaccination à elle seule peut avoir des résultats très limités. Au Bénin par exemple, tous les ans, 4000 nouveaux cas de tuberculose sont diagnostiqués causant plus de 300 décès. Ces données sont difficilement compréhensibles, la tuberculose étant une maladie pour laquelle on dispose aussi bien d’un vaccin que de traitements.

L’enquête démographique et de santé (EDS) réalisée en Guinée en 2018 a révélé que la couverture vaccinale au niveau national est « faible et ne progresse pas ». Seuls 24 % des enfants de 12-23 mois avaient reçu tous les vaccins de base du Plan Élargi de Vaccination (PEV) avec d’importantes disparités entre les lieux de résidence. En milieu urbain, un tiers des enfants sont complètement vaccinés contre un quart en milieu rural (21%). À Conakry, la capitale, le niveau de couverture vaccinale complète n’est que de 37 %.

Cela met en lumière les limites existantes aussi bien dans la mise en œuvre de politiques nationales de vaccination que dans l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies de sensibilisation communautaire informant et invitant les populations à se prémunir contre les maladies.

Certes, ce qu’on appelle communément les « campagnes » de vaccination sont généralement accompagnées de « campagnes » de sensibilisation invitant les populations à se rendre dans les centres de vaccination. C’est peut-être là que se situe le problème. On ne devrait pas se contenter de communiquer et de sensibiliser au moment des « campagnes » qui ont un caractère ponctuel. La communication autour des gestes et comportements de prévention doit être continue dans les écoles, les centres de santé, les associations de parents d’élèves, de jeunes, de femmes, dans les milieux religieux, etc., et elle doit porter sur tous les moyens de prévention des maladies, pas uniquement sur la vaccination.

Si pour certaines maladies telles que le tétanos, la tuberculose, les différents types d’hépatites, la rougeole, entre autres, les vaccins ont été découverts et sont généralement administrés gratuitement aux populations sous l’impulsion de l’OMS ou d’autres organisations ou fondations très impliquées dans la santé publique en Afrique, d’autres maladies telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires ou encore les maladies sexuellement transmissibles (MST), sont de très grands tueurs sur le continent et ne peuvent pas être contrés par des vaccins. Pour le VIH par exemple, les dernières statistiques disponibles font état de près de 5 millions de personnes vivant avec le VIH en Afrique de l’Ouest en  2020, dont 200.000 nouvelles infections et 150.000 décès.

Dans le cas de ces maladies, la seule prévention possible reste la sensibilisation directe auprès des populations. Il est fondamental que les populations comprennent, et ce dès le bas âge, que certaines maladies sont évitables, et qu’elles peuvent et doivent adopter les bons comportements afin de les éviter.

La sensibilisation communautaire, un puissant levier dans la lutte contre les maladies

Selon le rapport de l’OMS sur l’état de la santé dans la région africaine publié en 2018, les systèmes de santé en Afrique sont peu performants et n’atteignent que 49 % des résultats qu’ils pourraient réaliser. Face à ce constat, le think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest, WATHI, dans son Mataki intitulé «Comment améliorer le fonctionnement des systèmes de santé en Afrique de l’Ouest au bénéfice des  populations ? », recommande de placer les politiques de prévention au cœur des systèmes et politiques de santé. Cela diminuerait l’incidence de nombreuses maladies et réduirait la pression sur les structures de santé qui, pour la plupart, ne sont pas en mesure d’assurer des soins décents et de qualité aux patients.

Lors de son entretien accordé à WATHI, Daouda Diouf de l’ONG Enda Santé affirmait : « Il est très important de prévenir et de mobiliser les communautés autour des problèmes de santé[…] La préservation de la santé doit être un des éléments intégrés comme élément d’éducation dès l’école. Il faut le faire aussi dans les écoles coraniques et même au-delà, l’intégrer dans la formation des groupements de femmes et d’autres structures sociales pour que, dans l’éducation du Sénégalais, on puisse ériger la santé comme un élément très important».

Pour ce faire, il faudrait, entre autres mesures, inclure la prévention des maladies, des accidents domestiques et des accidents de la route dans les programmes scolaires de l’école maternelle à la fin des études secondaires et s’assurer de la formation préalable de tous les enseignants dans ce domaine.

Dans le même sens, il faudrait élaborer des documents explicatifs succincts en mots et images à l’attention des parents qui sont les premiers éducateurs, et distribuer ces documents dans des centres dédies à la prévention et dans les centres de santé, mais aussi prévoir des visites régulières des agents de santé préventive dans les écoles afin d’appuyer de façon concrète les cours d’éducation en santé et en prévention.

De plus en plus, à l’ère de l’expansion du digital, accélérée par la pandémie de la COVID-19, les campagnes de sensibilisation s’orientent aussi vers les réseaux sociaux. Cependant, dans un contexte africain en général et ouest-africain en particulier, où les taux de pénétration de l’internet (42% en janvier 2021, selon HootSuite et We Are Social), et l’accès à l’électricité (53% en 2019 selon la Banque mondiale) sont parmi les plus faibles dans le monde, il est primordial de maintenir aussi la diffusion des messages de prévention par une communication traditionnelle.

Il est tout aussi important que cette transmission de messages de prévention se fasse dans les langues officielles, mais aussi et surtout dans les langues et dialectes locaux. Sur les 7000 langues et dialectes recensés au niveau mondial, près de 3000 sont parlés en Afrique. Le Nigéria est le 3e pays au monde en matière de diversité linguistique avec 524 langues encore parlées dans le pays. Il n’est évidemment pas possible de traduire tous les contenus de sensibilisation dans toutes les langues des pays ouest-africains, mais il est pertinent de sélectionner les plus répandues au niveau de chaque pays et de rendre ces contenus disponibles dans ces langues.

Il est urgent enfin de repenser les allocations budgétaires en matière de santé publique en considérant la prévention comme une composante à part entière des politiques nationales de santé au même titre que la composante curative (médicaments, structures de soins, professionnels de santé, etc.). Les dirigeants doivent absolument se pencher sur une politique préventive plus diversifiée, en maintenant certes les efforts en cours autour de la vaccination, mais aussi et surtout en mettant en place des stratégies nationales de sensibilisation permanente des populations, dès le plus jeune âge, à travers différents canaux, dans différents milieux et dans différentes langues.

Dielia BA,

Chargée de plaidoyer West Africa think-tank (WATHI)’’

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