Les nouvelles qui fusent du Gabon ne sont pas rassurantes. Le climat social se détériore frénétiquement , avec la profusion de rumeurs les plus folles. Calomnies, chantages, lynchages politico-médiatiques, tout ou presque passe, dans un microcosme politique où l’actuel locataire du palais présidentiel, Ali Bongo Ondimba (ABO), fait l’objet régulier de tirs de barrage nourris. A la manœuvre, ses compagnons de route qui, par enchantement, se sont découverts une nouvelle âme.
Alors que l’ancien ministre Jean Ping, aujourd’hui farouche pourfendeur de ABO, menait le travail de sape et de dépérissement, début mars, un courant frondeur baptisé « PDG Héritage et Modernité » au sein du parti au pouvoir, fut crée; aboutissant à la destitution de trois députés Michel Menga, Jonathan Ignoumba et Alexandre Barro Chambrier. Ils furent suivis par neuf autres députés et le président de l’assemblée nationale, Guy Nzouba-Ndama, lui aussi membre du PDG, le 31 mars dernier. Nzouba-Ndama prétendait « réhabiliter l’honneur souillé des députés et de la première chambre du Parlement gabonais », en dénonçant « le bilan calamiteux » d’Ali Bongo Ondimba.
Mais qu’en est-il réellement? Le bilan de ABO n’est pas si mauvais que ça. Au contraire, il est encourageant. L’homme d’Etat a construit 634 Km de routes, de nombreux ponts et réhabilité la ligne de chemin de fer. Pas seulement, il a doublé la production nationale électrique, passée de 300 MW en 2009 à 600 MW en 2015, avec la mise en service des centrales à gaz à Alenakiri (70 MW), à Port-Gentil (105 MW) et du barrage électrique de Grand Poubara (160 MW).
Les données chiffrées son éloquentes et édifiantes. Elles parlent si fort qu’on est tenté de dire que le président Ali Bongo, aimé ou pas, est du spécimen de bâtisseurs dont rêve les autres pays d’Afrique. Imaginez qu’en l’espace de six ans, il a fait autant de réalisations que ses deux prédécesseurs dont les règnes cumulés ont duré un demi siècle.
Cela étant, il ne désarme pas pour autant, car emporté par le dessein de faire du Gabon un pays émergent dans un horizon proche, il a dévoilé une batterie de projets salutaires. Au nombre de ceux-ci, on a l’interdiction unilatérale, le 15 mai 2010, de l’exportation des grumes, afin de réaliser la transformation locale du bois. L’objectif de l’homme d’Etat, favoriser la création de plusieurs milliers d’emplois. On a aussi l’exploration du bilinguisme, en doublant le Français de l’anglais, en vue du renforcement des capacités opérationnelles de ses compatriotes en dehors de leur réduit d’espace francophone. On ne passera pas sous silence, sa soif effrénée de l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, avec le démarrage d’un vaste projet de développement agricole, relatif à la production de la banane et du riz , sous la houlette des Indiens.
Comment diable les Gabonais peuvent-ils en vouloir à un tel homme? Faut-il y voir une main invisible? C’est tout comme. Les derniers projets de ABO, à terme, auront pour effet de réduire les intérêts de l’ancienne puissance coloniale. C’est apparemment elle qui agit par personnes interposées, en vue de saper les efforts de développement et la concorde nationale.
Sinon comment comprendre le réveil aussi brute et abrupte d’un homme comme Guy Nzouba-Ndama, resté 19 ans durant président de l’Assemblée nationale? Et son principal concurrent, Jean Ping, ancien ministre des Affaires étrangères d’Omar Bongo ? Que dira-t-on de Raymond Ndong Sima, le deuxième Premier ministre d’ABO, et de Casimir Oye Mba, un autre ancien chef de gouvernement?
On a l’impression que c’est un conglomérat de vieux de la vieille, digérant mal sa mise sur le carreau, en vue du rajeunissement de l’élite dirigeante, qui tente vaille que vaille, au prix de n’importe quel deal, de reprendre la main. Ils avancent, en surfant non sur des logomachies doctrinaires, mais malheureusement sur le régionalisme clivant, le tribalisme et l’exclusion.
Que n’a-t-on pas entendu ces derniers mois? ABO est d’origine biafraise? Il n’est pas le fils biologique d’Omar Bongo, il ne peut plus être réélu à la présidence de la République; Patati patata. Ce faisant, les opposants feignent d’ignorer que l’irréductible opposant Jean Ping est d’origine chinoise. Sous d’autres cieux où la Constitution stipule qu’il faut avoir la nationalité, être né de parents eux-mêmes nés avec la nationalité sur trois générations, il n’aurait certainement pas pu avoir droit au pupitre. Surtout qu’il est dans l’opposition et qu’il n’a pas le contrôle de l’appareil d’Etat.
Un petit rappel historique nous permettra de comprendre. En Côte d’Ivoire, le président Alassane Ouattara, après avoir été premier ministre et même gouverneur de la BECEAO pour le compte de son pays, avait été écarté de la course à la présidence, sous le fallacieux prétexte de « nationalité douteuse ». La suite, on la connait. Crises politiques à répétition, avec à la clé, une longue et meurtrière guerre civile.
C’est un spectre qui flotte dans l’ombre. Car les chemins tortueux et escarpés empruntés par des leaders de l’opposition portent les germes d’une déflagration conflictuelle. Il faut désamorcer le grisou avant qu’il ne pette, sous la barbe distraite des politicards qui ont, aujourd’hui plus que jamais, intérêt à ne pas se méprendre de la bêtise de la discrimination et de l’impérialisme. Vicieux et pernicieux, ils sont susceptibles de précipiter le pays dans les profondeurs abyssales d’une crise, qui entérinerait le retour officiel de l’ogre blanc, obnubilé par le pillage systémique des ressources du Gabon.
Un regard inquisiteur et introspectif en Libye, en proie à un chaos sans précédent, ne serait pas de trop. Il devra permettre aux uns et aux autres de mettre un peu d’eau dans leur vin, de préserver l’essentiel, le Gabon, qu’ils ont en partage et qu’ils sont censés léguer plus riche et prospère à la postérité.
Anderson Koné
BURKINADEMAIN.COM
