Lassina Nébié, directeur de Actualité Energie, est un innovateur en matière d'énergie solaire

En matière d’énergie solaire au Burkina Faso, Lassina Nébié fait partie de ceux qui parlent peu mais qui ont été pour beaucoup, à leur façon, au développement du secteur. Après une expérience de technicien concluante de sept ans à l’ONG allemande «Association pour la promotion et l’exploitation de l’énergie solaire (APEES) » ; Nébié crée en 2000 son entreprise : Actualité Energie. L’homme, qui fait pratiquement office de pionnier dans le secteur, a été élu, en mai dernier, secrétaire général adjoint de l’Association des professionnels des énergies renouvelables du Burkina Faso (APER/BF). Le directeur de Actualité Energie aborde, entre autres, dans cet entretien, son parcours, les évolutions et difficultés du secteur, la première édition de la SEERA, ainsi que l’action de son entreprise. Interview exclusive.
Burkina Demain : Présentez-vous à nos lecteurs !

Lassina Nébié, directeur de Actualité Energie, n'est pas satisfait de la 1re édition de la SEERA
Lassina Nébié, directeur de Actualité Energie, n’est pas satisfait de la 1re édition de la  SEERA

Lassina Nébié : Je suis actuellement directeur de Actualité Energie et secrétaire général adjoint de l’Association des professionnels des énergies renouvelables du Burkina Faso (APER/BF). Je suis technicien en énergie solaire de formation. J’ai d’abord travaillé à APEES « Association pour la Promotion et l’Exploitation de L’Energie Solaire ». C’est au sein de cette ONG que j’ai eu le savoir et le savoir- faire en énergie solaire. J’ai travaillé à APEES pendant 7 ans et j’y ai occupé plusieurs responsabilités dont la dernière était le poste de Directeur Exécutif de 1999 à 2001.
Burkina Demain : Depuis quand évoluez-vous dans le solaire ?
Lassina Nébié : J’évolue dans ce domaine depuis 1994
Burkina Demain : Comment êtes-vous venu au solaire ?
Lassina Nébié : C’est avec mon passage à l’ONG APEES que j’ai découvert le solaire et c’est là également que j’ai été formé par des ingénieurs allemands en énergie solaire. Cette formation a couvert les aspects suivants : solaire électrique (transformation de la lumière du soleil en courant) et thermique la (concentration des rayons solaires pour produire de la chaleur). Dans le solaire électrique vous trouverez les plaques solaires pour l’éclairage, le pompage, la réfrigération etc.. Dans le thermique, vous trouverez la cuisson solaire, le chauffe-eau solaire, les cafètes solaires, le séchoir solaire, etc..

Burkina Demain : Vous évoluez dans le solaire depuis 1994, quelles évolutions avez-vous observé ?
Lassina Nébié : D’abords sur le plan de la formation, il n’y avait pas de filière spécifique dans les universités pour l’énergie solaire. Pour se former dans ce domaine, il fallait le faire soit à l’étranger ou à travers des structures comme l’ONG APEES. Aujourd’hui nous avons dans nos universités des filières qui donnent des formations en énergie solaire.
L’accessibilité aux équipements solaires n’était pas évident en ce qui concerne le solaire photovoltaïque. Une plaque solaire de 10Wc s’achetait à environ 125 000 F CFA. Aujourd’hui, vous pouvez avoir la même plaque à 15 000 F CFA. Cette situation peut s’expliquer en partie par la loi de finance qui exonère les équipements solaires depuis 2013.
Enfin, cette évolution peut se remarquer également par la présence de plusieurs opérateurs dans le domaine.

Burkina Demain : Vous avez créé votre entreprise depuis 2000, qu’est-ce qui vous a motivé à le faire ?
Lassina Nébié : Il y a des raisons purement personnelles, mais aussi il y’a le fait que pour le Burkina Faso, c’est la seule source d’énergie qui soit disponible et partout. Œuvrer à rendre cette énergie disponible pour les populations et notre préoccupation.

Lassina Nébié, directeur de Actualité Energie, est un innovateur en matière d'énergie solaire
Lassina Nébié, directeur de Actualité Energie, est un innovateur en matière d’énergie solaire

Burkina Demain : En 15 ans de présence d’Actualité Energie dans le secteur, quelles ont été vos principales réalisations ?
Lassina Nébié :
– C’est d’abord la création de Actualité Energie et de pouvoir exister et s’affirmer comme opérateur du solaire dans un domaine un peu particulier : celui du solaire thermique ;
– l’ouverture d’un atelier de fabrication et d’assemblage des technologies et équipements solaires (Cuiseurs solaires, Foyer amélioré GWATONOMA, etc.) ;
– l’ouverture d’un kiosque solaire resto café premier du genre à travers l’Afrique, sinon dans le monde ;
– l’installation du premier moulin solaire au Burkina ;
– la création d’une cafète solaire.

Burkina Demain : Parlez-nous de votre kiosque solaire
Lassina Nébié : Le Kiosque Solaire Resto Café, c’était un rêve que nous avions depuis toujours et que nous avons gardé secrètement jusqu’au moment où nous avons eu la possibilité de le réaliser.
C’est un espace où vous trouverez toutes les réponses aux questions que nous posons concernant la capacité des cuiseurs solaires à cuire les repas ; la pollution ; le déboisement ; la mortalité des enfants et des femmes provoquée par la fumée. La cuisson solaire est une technologie qui a souffert de pleins de préjugés et pourtant, il n’en est rien. C’est tout simplement la méconnaissance de la technologie. Le kiosque Solaire est une illustration de ce qu’est la cuisson solaire. Il peut être adapté à tous les usages relatifs à la cuisson, que ce soit au niveau ménage, des restaurants, des cantines.
Nous sommes conscient d’une chose, c’est que tout le monde ne pourra pas utiliser la cuisson solaire, pas parce que c’est cher mais parce qu’il y a des contraintes d’ordre technique (la question d’espace), mais une bonne partie de la population du Faso peut l’utiliser. Pour cette raison, nous souhaitons que la cuisson solaire ne soit pas réduite seulement à la cuisine dans les camps, les prisons, les hôpitaux et dans les cantines scolaires, mais qu’elle soit perçue comme un foyer à gaz à la maison tout simplement. Mieux, la cuisson solaire à l’image des autres technologies solaires, permet de réaliser des économies.

Burkina Demain : Cette innovation vous a valu une certaine reconnaissance au niveau de l’ex-ministère de la recherche scientifique et de l’innovation…
Lassina Nébié : Lorsque nous avons mis en place le Kiosque Solaire, nous avons écrit pour informer et inviter un certain nombre de ministères dont l’ex-ministère de la recherche scientifique et de l’innovation (MRSI) à le visiter. Le MRSI nous a fait l’honneur en demandant à une de ses directions « ANVAR » d’aller voir de quoi il s’agissait? Le Ministère depuis nous a offert plusieurs tribunes pour nous permettre de présenter notre innovation. Je saisis l’occasion pour adresser mes remerciements à ANVAR et à tous ses collaborateurs.

Burkina Demain : Le solaire nourrit-il son homme au Faso ?
Lassina Nébié : Oui.

Burkina Demain : Rencontrez-vous des difficultés ?
Lassina Nébié : Nos difficultés sont d’abord financières et ensuite d’ordre institutionnel. Je vais m’attarder sur les difficultés d’ordre institutionnel. Les informations que détiennent la plupart des institutions sur la cuisson solaire sont caduques. Elles ne sont pas mises à jour. Par conséquent, un bailleur de fonds qui voudrait s’intéresser à la cuisson solaire est tout de suite découragé. Ils n’a que pour seule interlocuteur les institutions et leurs « experts » et c’est dommage. Les foyers améliorés, c’est bien beau, mais cela n’arrête pas le déboisement. Reboiser, c’est bien beau, mais il est fortement tributaire de la pluie. La cuisson solaire lui ne demande que l’énergie solaire. Cette énergie est disponible et inépuisable. Dans le cas spécifique du Burkina, le soleil brille pratiquement toute l’année.

Burkina Demain : Comment voyez-vous l’avenir du solaire au Burkina ?
Lassina Nébié : Tout porte à croire que le solaire à un bel avenir devant lui. L’Etat travaille à créer les conditions favorables à cela. Nous assistons à l’ouverture de plus en plus d’instituts de formation dans le domaine et à la présence de beaucoup d’opérateurs dans le secteur.
Burkina Demain : Comment avez-vous passé la première édition de la Semaine des Energies et des Energies Renouvelables d’Afrique (SEERA) ?
Lassina Nébié : Passablement
Burkina Demain : Est-ce à dire que votre participation a été très positive à cette Semaine ?
Lassina Nébié : Non, le public ne s’est pas mobilisé.
Burkina Demain : Il y a eu quand même la mise en place du bureau exécutif de l’Association des professionnels des énergies renouvelables du Burkina Faso (APER/BF) dont vous êtes le secrétaire général adjoint…
Lassina Nébié : Oui, j’occupe le poste de secrétaire général adjoint.
Burkina Demain : Quels sont, selon vous, le principal défi aujourd’hui du secteur des énergies renouvelables au Burkina Faso ?
Lassina Nébié : Rendre accessible les technologies en énergie renouvelable.
Burkina Demain : Avez-vous l’impression que les nouvelles autorités travaillent dans le sens de relever ce défi ?
Lassina Nébié : Ils le font mais de façon maladroite. La problématique l’énergie au Burkina n’est pas que l’accès à l’électricité. Il y a aussi la problématique de la disponibilité de l’énergie pour la cuisson. Si rien n’est fait pour promouvoir et accompagner la diffusion des cuiseurs solaires. Je crains qu’avec les foyers améliorés, nous contribuons à aggraver la situation à une certaine échelle de la consommation du bois.
Burkina Demain : La SEERA constitue-t-elle vraiment un bon créneau pour promouvoir le développement des énergies renouvelables dans le pays ?
Lassina Nébié : Pour moi, cette édition du SEERA ressemblait plutôt à un atelier qu’à des journées de promotion. Nous étions juste présents pour accompagner les conférences qui se déroulaient. Les autorités n’ont pas pris aux sérieux le SEERA. Le public ne s’est pas mobilisé.
Burkina Demain : Qu’attendez-vous d’autres des autorités en tant qu’acteur majeur du secteur ?
Lassina Nébié : Je souhaite que les autorités se mettent au sérieux pour la prochaine édition. Elles doivent travailler à faire connaître la SEERA au public, à faire de la SEERA un marché. Elles doivent revoir le nombre de conférences, les thèmes et la qualité des conférenciers. Il faut plutôt organiser des conférences ou les conférenciers seront des acteurs de la filière, qui viendront présenter ce qu’ils font à des investisseurs, à des bailleurs de fonds, etc..

Entretien réalisé par Bazomboué Grégoire Bazié
Burkina Demain

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