L’artiste musicien, de son d’artiste Bougma, a accepté de nous accorder une interview, ce 26 juillet 2016 à Ouagadougou. Il a parlé de ses deux précédents albums, avant de revenir sur le troisième baptisé  » Pognôgo », qui de son avis, est une œuvre de qualité qui plaira aux mélomanes burkinabè. Puis, Bougma a aussi jeté un regard critique sur la musique burkinabè, tout en lançant un appel aux autorités pour qu’elles soutiennent les créateurs d’inspiration traditionnelle.

Burkina Demain (BD): Où étiez-vous pendant tout ce temps, avant de songer à la sortie de votre troisième album?

Bougma ( B): Le premier album fut un grand succès. Il est paru en 2011 et le deuxième en 2013. Il a fallu presser le jus de ceux-ci, avant de penser à la sortie d’un nouvel album. C’est le premier album baptisé « Zara » qui m’a révélé au grand public. J’ai été beaucoup sollicité au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Niger et au Togo pour des prestations.
Raison pour laquelle, je n’avais pas le temps pour donner le meilleur de moi-même. Comme le premier album fut un succès, les mélomanes s’attendaient un deuxième album de bonne facture.

BD: Comment avez-vous baptisé le troisième album?

B: Il a été baptisé » Pognôgo », qui veut dire « femme sucrée ».

BD: Combien de titres compte l’album?

B: L’album comporte six titres. Ceux qui sont dans le milieu savent qu’il y a une crise de discs. Il n’y a plus de discs comme avant. Ce qui fait que c’est le printemps des singles pour la plupart des artistes qui en profitent pour revenir tous les 3 ou 6 mois.
BD: Sur le ou lesquels des titres misez-vous le plus?

B: Je compte beaucoup sur « Pognôgo » et « M’dolé », qui veut dire « mon amoureux ».

BD: Quels sont les thèmes abordés dans cet album?

B: J’aborde divers thèmes de société. Je parle de l’infidélité, l’insécurité, l’amour, du volage, des noctambules. J’interpelle les hommes et les femmes mariés à prendre leur responsabilité. Il y a des hommes mariés qui sont au maquis à 3 heures du matin et les femmes chagrinées, les attendent à la maison. Je suis moi-même « un homme de nuit » et je vois tout. Souvent, les femmes appellent et ils rejettent les appels. Le pis, les enfants sont incapables de bénéficier d’un quart de temps de leur papa. Je crois que les hommes mariés doivent essayer de dégager du temps pour leurs familles respectives

B D: Quelles sont vos sources d’inspiration?

B: Je tire mon inspiration des faits de société, des causeries amicales, de la lecture, de la télévision et des voyages. Lorsqu’il m’arrive d’être inspiré la nuit, je l’enregistre sur un téléphone portable ou un support pour l’habiller plus tard.

B D: Quelles sont vos attentes par rapport à cet album?

B: Mes attentes sont vraiment énormes. J’y ai mis beaucoup de sérieux, en terme de qualité, de moyens matériels et financiers, car le deuxième album n’a pas connu un véritable succès comme le premier, « Zara », qui m’a valu d’être sollicité un peu partout en Afrique de l’Ouest. Par exemple, j’ai fait salle comble au Niger avec « Zara ». La musique, c’est comme un rêve; tu peux rêver et la population va adhérer tout comme elle refuse.
C’est pourquoi, j’ai mis beaucoup de temps pour préparer ce troisième album. J’ai travaillé dans un grand studio qui dispose de logiciels sophistiqués et modernes, avec un arrangeur qui a fait ses preuves et des guitaristes de renom.
Je me suis fondé sur les imperfections du deuxième album pour améliorer le troisième. Vous l’apprécierez avec la manière dont j’ai posé ma voix et la technique de chant est différente. J’ai foi que vous allez apprécier l’album.

BD: Avez été satisfait de vos précédents albums?

B: partiellement. No comment pour le premier album et bilan mitigé pour le deuxième. Je tiens à dire qu’un artiste qui n’a pas eu un album qui a marché et un autre, pas du tout, n’a pas encore compris la musique. Il doit accepter d’avoir produit une œuvre qui a plus et l’autre, non.

B D: Que faites-vous en dehors de la musique?

B: En dehors de la musique, c’est la musique; rien que de la musique. J’ai échoué au Baccalauréat, mais j’espère poursuivre mes études. Tout compte fait, je rends grâce à Dieu.
B D: Que pensez-vous de la musique burkinabè?
B: La musique burkinabè est souffrante. On a l’habitude dire qu’elle évolue, mais c’est faux. C’est une manière de se caresser dans le sens du poil. La musique burkinabè n’a pas d’originalité. Nous sommes dans un pays qui compte des maquis tous les deux kilomètres. Il y a des maquis, mais ils ne jouent que la musique étrangère, à 90 %.
Quand les artistes font une musique d’inspiration traditionnelle, ils ne sont pas joué dans les maquis et les discothèques. Il faut donc faire une musique qui aura la chance d’être jouée dans les maquis, comme « le coupé décalé »,  » le Naija », « le Zouglou » qui ne sont pas des nôtres. Ce qui fait que tous les artistes burkinabè en vogue font de la musique étrangère. Pour moi, c’est un échec. Mais malheureusement, je suis obligé d’emboiter le pas pour ne pas mourir musicalement et de faim.
En gros, les gens font de la musique pour commercialiser et faire des concerts de gauche à droite, sans se soucier de la musique du terroir.

Et le ministère de la Culture ne soutient pas considérablement les artistes qui font la musique du terroir. Il y a l’exemple du « Takbrossé », une fusion du peulh et du « Moosé » qui est mort le jour de sa naissance. C’est dommage!

Aujourd’hui, les grands artistes, dits stars, font la musique qui n’a rien à voir avec la musique d’inspiration traditionnelle. Ils copient la Côte d’Ivoire et le Nigéria. Ils se contentent de copier l’extérieur. Moi, je profite donc de votre canal pour interpeller le ministère de la Culture pour qu’il dégage les fonds pour accompagner les artistes d’inspiration traditionnelle, car le terroir recèle beaucoup de richesses à exploiter. La musique burkinabè va mal.

BD: Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour pallier cette situation?

B: C’est très simple, selon moi. Il faut voter des lois amenant les maquis à jouer la musique burkinabè à 90 %. On a besoin d’un statut des artistes. Rien n’a été fait pour le moment. Aujourd’hui, quand on part en Côte d’Ivoire, la musique ivoirienne est jouée franchement à 90%; au Mali, à partir de Ségou, tu sais que tu es au Mali; au Ghana, dès la première ville frontalière. Même chose au Togo. Le Burkina Faso est le seul pays où on se pose encore la question de savoir: « Où en est-on? » Le pays est comme un grand carrefour sans appartenance. Il faut donc une décision politique pour imposer la musique burkinabè. Et il va falloir secourir les artistes du terroir, en faisant la promotion de leur album. La vidéo est très importante pour la promotion. Mais quand le ministère plafonne les clips vidéo à 400 000 francs CFA, vous conviendrez, avec moi, que cette somme est très infime. Alors que sur les chaînes internationales, on a les clips de 1 à 2 millions de francs CFA qui passent partout. On ne peut pas escompter les mêmes résultats avec ceux qui déboursent 1 millions de CFA pour leurs clips. Par exemple, si le ministère de la Culture prenait cinq artistes et déployait les fonds nécessaires pour réaliser des œuvres et des vidéos de qualité, vous verrez que la musique burkinabè ira loin. Meiway même a chanté le « Liwaga »; de même que l’enfant Yodé. Et quand tu prends le « Zouglou », que tu écoutes en ralenti, tu as l’impression d’écouter le « Liwaga ».

Aujourd’hui, les artistes font des œuvres de bonnes factures; ils sont victimes de mauvais procès. Le Ghana, la Côte d’Ivoire sont passés par le même chemin.
Tout réside dans la décision politique, c’est elle qui va nous sauver.

Au niveau du BBDA, on a l’impression qu’il n’y a pas de base de répartition des droits. On attend deux fois dans l’année, fin juin et fin septembre. Aujourd’hui, tu peux avoir 1 million de francs CFA et peu de temps après, tu empoche 300 000 francs CFA. Quand tu cherches à comprendre, on te dis que l’Etat qui devait donner 50 millions de francs CFA n’a donné que 20 millions de francs CFA. ça veut dire que la Culture n’est pas prise au sérieux; elle est reléguée au second plan. Et pourtant, c’est une industrie au même titre que les autres.
Par exemple, quand un artiste a un concert à la Maison du peuple, il n’est pas le seul bénéficiaire. Il y a les employés de la maison du peuple, le promoteur, les danseurs, le manager, les choristes, les chaînes de radio et télé qui font la publicité, les maisons de communication, les vendeurs à la sauvette, les « parkeurs ». Mais, on a l’impression que nous sommes oubliés, comme si ce sont ceux qui ont échoué dans les concours de la fonction publique qui se réfugient dans la musique.

B D: Parlons de vous-même. Etes-vous marié?

B: Non pas encore.

B D: Ya-t-il quelqu’un dans votre vie?

B: Quelqu’un, c’est trop dit. C’est trop tôt de le dire, mais avec l’aide de Dieu ça va aller.

B D: Des enfants quand même?

B: Pas aussi. Je suis humain et je refuse d’engrosser une fille et ne pas l’épouser. J’ai des petites sœurs aussi; elles peuvent en être victimes.
J’estime qu’il faut donner la chance à l’enfant de grandir au sein de la cellule familiale. J’ai eu cette chance et mes parents, Dieu leur a fait grâce, vivent encore. Ils ont plus de 34 ans de mariage. Il faut donc donner cette chance donnée à nous à nos progénitures. C’est pourquoi je prends mes précautions pour éviter de décevoir les femmes.

Raissa Nadège Moussoné
Burkina Demain

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.