Après un mois et demi et à moins de deux semaines de la rentée judiciaire prévue le 3 octobre prochain, le fameux décret de nomination des nouveaux magistrats appelés auditeurs de justice et magistrats en activité a enfin vu le jour. roch

Cette année, pour la première fois, faut-il le souligner, le président du Faso et le ministre de la justice ne sont plus membres du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), donc ne pouvant plus proposer des postes de nomination.

Avant la loi organique n°50 CNT du 25 août 2015 portant statut de la magistrature et la loi n°049 du 25 août 2015 portant organisation, composition, attributions et fonctionnements du CSM, les nominations étaient faites par le ministère de la justice et le CSM. Désormais, il appartient au CSM de procéder aux propositions de nomination de leurs membres comme le stipule la loi .C’est à cet effet qu’il s’est réuni depuis 28 juillet 2016 pour faire les propositions de nomination.

Autrement dit, le CSM, composé uniquement de magistrats, procède à la nomination de ses différents membres qui sont les auditeurs de justice et magistrats déjà en activité. Par la suite, la liste est transmise au président du Faso qui prend un décret simple de nomination comme prévu par la loi. C’est une innovation majeure qui a été introduite dans la loi portant statut de la magistrature ; en effet avant cette loi, il s’agissait d’un décret pris en conseil de ministre. En réalité, le décret pris par le président du Faso ne doit venir que pour confirmer la proposition faite par le CSM, puisque ce dernier ne dispose pas de pouvoir de modification des propositions établies par le CSM.

Mais qu’est ce qui cloche pour que plus d’un mois et demi après, ce n’est qu’avant-hier pour les magistrats en activité et hier pour les nouveaux que ces décrets ont vu le jour ?

En rappel, avant ces lois du CNT, les nominations des magistrats étaient faites au conseil des ministres sur proposition du ministre de la justice. Les magistrats estimaient que cela entrainait des lourdeurs. Ainsi à la faveur des états généraux de la justice, la proposition a été faite de retirer l’exécutif du CSM, et de nommer les magistrats par décret présidentiel. Toute chose qui fut consacrée par les députés du CNT à travers la loi…….

Cette loi ne serait-elle pas du goût de l’exécutif ? Sinon comment comprendre qu’un simple décret mette autant de temps pour être signé ? Le secrétaire général du Syndicat Burkinabè des Magistrats (SBM) Moriba TRAORE avait attiré l’attention de l’exécutif sur cette situation à travers sa publication du 5 septembre dernier sur sa page facebook. Il indiquait que la rentrée judiciaire risquait de connaitre des difficultés si on y prenait garde. Pour lui, « si la rentrée judiciaire commence avec des dysfonctionnements (….) tous ceux qui, soit au ministère, soit dans la hiérarchie du Conseil supérieur de la magistrature, nous aurons conduit dans cet état de fait par calcul ou par manque d’anticipation, devront entièrement assumer ». Et de faire remarquer qu’ « En ce qui concerne les auditeurs de justice le mal est déjà là.»

Les dessous du retard dans la signature du décret

En effet, il appartient au ministre de la justice de préparer les décrets et de les transmettre au président du Faso pour signature. Alors qu’est-ce qui a pu bloquer ou pourrait justifier ce retard dans la signature de ce décret si simple, encore moins que les notes des nouveaux magistrats ont été transmises par l’Enam depuis fin juin afin d’éviter tout retard, nous a confié une source.

Selon des indiscrétions, certaines nominations ne seraient pas du goût de l’exécutif. On murmure même que c’est parce que l’exécutif n’a pas de moyens juridiques pour aller contre cette nouvelle manière de procéder qu’il a fait trainer les choses, pour que les désagréments qui pourront advenir dès la rentrée judiciaire soient vus par l’opinion comme une insuffisance des juges.

On est donc tenté de dire que cette situation ne serait-elle pas créée expressément afin de remette en cause cette loi qui consacre l’indépendance et la déconnexion de l’exécutif du judiciaire ? Ne serait-on pas en train de créer une situation afin d’amener les uns et les autres à regretter cette loi et de susciter le retour de l’ordre ancien. C’est-à-dire faire siéger le Président du Faso et le ministre de la justice au CSM et leur redonner le pouvoir de nomination, d’avancement et de notation des magistrats? Si tel est le cas, l’heure du renouveau de la justice tant souhaité au pays des hommes intègres n’a donc pas encore sonnée.

A quoi auraient donc servi les 300 millions de F CFA pour l’organisation des états généraux de la justice ? Et le Pacte du renouveau de la Justice ? Ou bien, le Burkina n’a-t-il plus besoin d’institutions fortes ?

Les conséquences ou préjudices d’un tel retard

Les magistrats déjà en fonction et nommés à d’autres fonctions ou/et localités ne pourront pas être opérationnels dès la rentrée judiciaire prévue pour ce 3 Octobre 2016. Les nouveaux magistrats, quant à eux, il serait difficile de respecter le programme de prestation de serment et de prise de fonction officielle. Il est certain qu’à cette allure, il y aura des tribunaux qui ne seront pas prêts et des dossiers vont encore trainer. Pour ceux qui ont des enfants à scolariser, il serait difficile de trouver la place pour leurs inscriptions à cette étape de rentrée.

En tout état de cause on pourrait dire que tout début est difficile. Assurément, l’ordre des choses ayant changé, les nouvelles autorités n’avaient pas pris la mesure de la nouvelle loi. L’année prochaine sera différente, peut-on espérer mais une chose est sûre, les magistrats sont prêts à ne pas se laisser faire.

Joachim Batao
Burkina Demain

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