Les candidats du parti de la Droite française, Les Républicains, ont tenu leur deuxième débat des primaires, ce 3 novembre 2016. On imaginait un duel, on croyait le favori des sondages et le deuxième prêts à en découdre. Pourtant, l’ex-président a tout fait pour éviter le face-à-face.sarko

« J’espère que Nicolas ne sera pas tendu comme la dernière fois. » Quelques minutes avant de pénétrer dans la salle Wagram pour le deuxième débat de la primaire de la droite, bon nombre de soutiens de l’ancien président confiaient leurs angoisses et, surtout, la principale : revoir leur candidat stressé, mal à l’aise au milieu de ses anciens ministres, esquisser ses mouvements d’épaule si symptomatiques de la tension sarkozyste. Face à lui, lors du dernier débat, Alain Juppé avait paru serein, sûr de n’avoir pas grand-chose à perdre.

Révisions

Pour ce nouveau rendez-vous, Nicolas Sarkozy a donc travaillé. « Beaucoup et sérieusement », jure-t-on dans son entourage. Son agenda a été gelé durant le pont du 1er novembre. Pas de déplacement, juste des « cartes postales » médiatiques. Une interview sur France Info mercredi matin, un entretien dans Valeurs actuelles dans la foulée et un long texte publié sur Facebook intitulé « Cartes sur table ». En coulisse, entouré de ses conseillers Sébastien Proto et Pierre Giacometti, de sa conseillère en communication Véronique Waché et du directeur des études des Républicains Franck-Philippe Georgin, l’ex-chef de l’État a révisé ses dossiers et bûché sur sa com. Consigne numéro un : se détendre.

Mise en application des conseils glanés lors de ces séances de travail ? Après une première prise de parole ce jeudi soir en forme de mise au point sur un ton un brin agacé au sujet des migrants – « Ce ne sont pas les accords du Touquet, mais les accords de Canterbury, mais, peu importe, tout le monde n’est pas obligé de connaître parfaitement le dossier » –, Sarkozy s’est évertué à se positionner au-dessus du lot.

L’atout expérience

Rappelant à ses adversaires leur condition d’anciens ministres de son quinquennat : « D’abord, ils ont le droit d’être candidats comme ils avaient le droit d’accepter les responsabilités que je leur ai confiées », enfonçant le clou au cas où certains téléspectateurs auraient été distraits : « Ils ont tous été loyaux… et solidaires », l’ancien président a tenté de jouer sa carte qu’il pense maîtresse : la carte de l’expérience. Évoquant « la lourdeur de la fonction » et sa « difficulté extrême » qu’« on découvre en l’exerçant », il ose pour finir un petit rappel historique… erroné : « Nous sommes six à avoir exercé [la fonction présidentielle] depuis 1958. » Non, sept, mais sans doute sa mémoire a-t-elle voulu effacer le triste souvenir de sa défaite face à François Hollande en 2012.

Mais ses rodomontades sur son passage à l’Élysée ne tardent pas à être éclipsées par les piques, voire les affronts bravaches de ses concurrents bien décidés ce jeudi soir à marquer leurs distances avec le numéro deux des sondages. Comme si Alain Juppé, favori de la primaire, méritait d’être ménagé en prévision du 20 novembre au soir. Selon l’expression presque devenue un tic de langage des politiques « on n’insulte pas l’avenir ». C’est donc Sarkozy, et lui seul, qui a essuyé les tirs de Jean-François Copé, Bruno Le Maire, NKM… Si lui, qu’on dit si impulsif, a su se contenir, il a en revanche été contraint par ses rivaux de jouer en défense plutôt qu’en attaque.

Tous contre Sarkozy

Épinglé par BLM pour sa promesse faite en 2012 et non tenue d’arrêter la politique en cas de défaite, il a rétorqué : « Si j’écoute Bruno, à chaque fois qu’on est battu, on n’a plus le droit de se présenter, mais je rappelle, Bruno, que tu as été battu à la présidence de l’UMP. » Empoigné ensuite (verbalement) par Nathalie Kosciusko-Morizet pour sa position sur le Grenelle de l’environnement, il a peiné à répliquer, balbutiant un vague : « Pas du tout, pas du tout. »

Une heure plus tard, c’est encore avec Bruno Le Maire que l’ex-locataire élyséen s’est écharpé. À l’outsider lui reprochant l’ouverture à des ministres de gauche, Sarkozy a répondu, cinglant : « Tu as participé au gouvernement. Je te rappelle que tu as même postulé pour être Premier ministre. »

Fleuret moucheté avec Juppé

Finalement, c’est avec son principal opposant, Alain Juppé, que la joute s’est révélée la plus feutrée, la plus ronde. Sarkozy a bien tenté un léger sarcasme quand a été posée la question d’un mandat présidentiel unique (prôné par l’édile bordelais) en lâchant, sourire en coin : « Je pense que j’aurai 67 ans à la fin de ce second mandat, il sera temps de remercier la France. » Mais, soyons francs, on l’a connu plus agressif.

« Il attaquera fort sur Bayrou », nous avait promis sa garde rapprochée. Soit, attendons… Grand absent de ce plateau pour cause de non-participation à la primaire de la droite, le président du MoDem a en effet fini vers 22 h 30 par s’inviter dans les discussions. Et par exciter (un peu) Nicolas Sarkozy. Empêchant dans le même temps le match tant attendu Sarkozy-Juppé !

Haro sur Bayrou

Au lieu d’attaquer son adversaire, Sarkozy a préféré poursuivre sa stratégie des semaines passées en s’en prenant au maire de Pau, convaincu de saisir là un créneau ultra-porteur à droite. « Je suis pour une alliance avec le centre avec lequel on a gouverné, s’est-il emporté. Je n’ai pas de problème personnel avec Bayrou. Ce n’est pas une polémique, c’est un choix politique majeur. Je me demande encore quel est le programme que nous pouvons bâtir avec François Bayrou. » Rien d’inédit dans ces propos, mais une volonté affichée de faire du Béarnais son principal opposant.

C’est finalement le calme Juppé qui a sorti les couteaux pour défendre avec vigueur son alliance avec le centre et avec Bayrou. « Je suis très surpris par cette obsession sur le cas de François Bayrou, a-t-il réagi. Je ne veux pas rentrer dans ce genre de querelle qui est totalement subalterne. J’ai fait une campagne très active en 2012 pour soutenir Nicolas Sarkozy et j’ai désapprouvé la position de Bayrou à cette époque-là. Je ne lui ai rien promis et il ne m’a rien demandé. Dans toutes les élections locales, nous avons été bien heureux de nous allier avec Bayrou. Cette attitude est suicidaire… Partir en guerre comme ça, contre une tête de Turc… »

Même à cela Sarkozy n’a pas répondu. Tout juste a-t-il utilisé sa minute de conclusion pour rappeler : « Je ne crois pas en l’identité heureuse, je n’ai pas envie d’une alternance de compromis ou d’une alternance molle. » Reste à savoir si ses efforts pour placer Bayrou dans la position d’ennemi numéro un porteront ses fruits. « Parler de Bayrou, c’est comme allumer une allumette sur une botte de foin bien sec », se félicitait un sarkozyste une heure avant le débat. Sauf que, jusqu’à preuve du contraire, le candidat que Sarkozy espère battre s’appelle Alain Juppé.

Christian N Bado
Burkina Demain
Source: Le Point

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.