Le chef de file de l'opposition politique burkinabè, Zéphirin Diabré, a appelé à une mobilisation contre le projet de loi en question

Le Chef de file de l’opposition politique (CFOP) a animé ce jeudi 8 juin une conférence de presse. Nous vous proposons l’intégralité de la déclaration liminaire de cette conférence de presse.

Le chef de file de l’opposition politique burkinabè, Zéphirin Diabré, a appelé à une mobilisation contre le projet de loi en question

«Mesdames et Messieurs les Représentants des organes de presse,

Mesdames et Messieurs les responsables des partis politiques,

Mesdames et Messieurs les Présidents des groupes parlementaires,

Honorables députés à l’Assemblée nationale,

Mesdames et Messieurs,

Chers invités,

Bienvenueà vous dans la maison commune de l’Opposition, à l’occasion de cette conférence de presse consacrée au projet de loi relatif au Code électoral.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, l’Opposition souhaite que nous ayons une pensée pieuse pour un de ses membres brutalement arraché à l’affection des Burkinabè le 30 mai dernier. Il s’agit du Dr Valère Dieudonné Somé, Président de la Convergence Démocratique et Sociale (CDS). Je vous prie de bien vouloir vous lever pour observer une minute de silence en sa mémoire.

Je vous remercie.

Chers amis de la presse,

Votre présence ici  ce matin témoigne encore de  l’excellence de la coopération entre l’opposition politique et la presse nationale qui, en toute objectivité et impartialité, se fait toujours le relais des préoccupations du peuple burkinabè, dans le cadre plus vaste de sa mission d’éducation et de sensibilisation de nos concitoyens.

Mesdames et Messieurs,

L’opposition politique a décidé d’organiser cette conférence de presse, afin de donner son appréciation collective sur le projet de loi relatif au Code électoral, porté à la connaissance des partis politiques par le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, lors d’une rencontre organisée par lui le 30 Mai dernier. Les partis politiques étaient invités à faire les observations dans un délai d’une semaine.

L’Opposition politique trouve cette démarche très inappropriée, au regard du début de dialogue qui s’était instauré avec le gouvernement sur cette question importante du Code électoral.

En effet, par lettre en date du 7 Décembre 2016, le ministre d’Etat, Simon Compaoré, ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure de l’époque, soumettait à  l’Opposition un questionnaire portant sur des aspects très précis du code électoral, dans le cadre d’une démarche de relecture dudit code et ce, en prélude à une rencontre inclusive de discussion. (Lecture de la lettre du 7 Décembre 2016).

Alors que nous nous attendions à la convocation de cette rencontre annoncée, où des discussions auraient lieu avec toutes les composantes sur les divers points qui posent problème, c’est avec une grande surprise que nous avons reçu un  projet de loi concocté par le gouvernement tout seul,  dans le secret de ses laboratoires, sans n’y associer personne, contrairement à ce qu’il avait promis.

Cette manière de faire dénote d’un certain mépris que nous ne pouvons nullement accepter. Elle masque aussi une intention malsaine.

Ensuite, l’Opposition s’interroge sur l’opportunité de trancher cette question du code électoral, au moment même où le pays s’achemine vers l’adoption d’une nouvelle constitution qui, justement, balise certains aspects importants du  code électoral.

Le choix de procéder à une révision en profondeur du code électoral et le fait d’anticiper aussi l’adoption de l’avant-projet de Constitution en utilisant certaines notions ou appellations entraînent d’ailleurs des incohérences. Par exemple, le projet de code électoral parle de “Cour constitutionnelle” prévue par le projet de Constitution non encore adopté alors qu’une telle Cour n’existe pas encore dans la Constitution en vigueur (qui doit être respectée en attendant), qui parle plutôt de Conseil constitutionnel.

Mais le plus gros problème que pose ce projet de loi, c’est la remise en  cause de certains acquis démocratiques, chèrement arrachés par notre peuple. Les sujets sont nombreux, mais nous n’en citerons que 3 à ce stade :

Le premier de ces acquis, c’est la CENI.

Dans le projet tel que présenté, on sent très nettement une volonté de supprimer la CENI dans son format actuel et de transférer ses prérogatives à l’administration.

Déjà dans la commission constitutionnelle, lors des débats, les représentants de la majorité avaient exprimé leur volonté de voir supprimer la CENI pour confier l’organisation des élections à l’administration à travers le ministère de l’administration territoriale; il en était de même pour l’ASCE-LC et le CSC. L’opposition s’y est farouchement opposée  car la CENI dans sa formule actuelle est un acquis de haute lutte,  un consolidant démocratique qui ne peut être brisé à la guise du pouvoir.

La nouvelle Constitution elle-même prévoit l’adoption d’une loi organique pour définir la dénomination, la composition, les attributions, l’organisation, le fonctionnement, de “l’autorité administrative indépendante” chargée de l’organisation des élections, les obligations et incompatibilités de ses membres.

Or, si l’avant-projet de loi parle bien « d’autorité administrative indépendante chargée de l’organisation et de la supervision des opérations électorales et référendaires”, le problème c’est qu’on ne  préciseni sa composition, ni sa forme légale (mode d’adoption par loi ou règlement).Pire, dans les dispositions transitoires, il est dit que les textes d’application du présent code seront pris par voie règlementaire. Ce qui pourrait laisser entendre que l’autorité administrative indépendante pourra être créée par règlement alors que c’est une institution constitutionnelle qui ne peut être créée que par une loi organique.

Le deuxième acquis que remet en cause de fait le projet de loi, c’est le vote des Burkinabè de l’étranger. Sur cette question, le gouvernement du MPP s’est engagé publiquement  à rendre ce vote effectif en 2020. Il a 5 ans pour le faire, ce qui est amplement suffisant.  Or, dans le projet de loi, on parle maintenant de le rendre effectif non pas en 2020, mais  à partir de 2020. C’est inacceptable. L’opposition voit la manœuvre. En fait, sous le prétexte d’aller graduellement, le MPP veut rendre le vote des Burkinabè de  l’étranger effectif uniquement là où ça l’arrange. Et Il va nous expliquer  que pour  certains pays,  le gouvernement n’est pas prêt. La ficelle est trop grosse !

Enfin, un troisième élément qui appelle la suspicion, pour l’établissement et la révision des listes électorales, on a supprimé la carte consulaire pour autoriser l’acte de naissance et les jugements supplétifs. Or tout le monde sait qu’il s’agit là de documents éminemment reproductibles à grande échelle par les maires MPP, donc source potentielle de fraude.

A ces éléments s’ajoutent des bizarreries, qui rendent le document inacceptable, et sur lesquelles  l’opposition reviendra en temps opportun.

Les prochaines élections ont lieu en 2020. La nouvelle constitution va baliser le chemin devant nous y conduire. Quelle urgence y a-t-il donc à sauter pieds joints dans l’adoption d’un nouveau code électoral ?

Pour l’opposition, il faut attendre l’adoption de la nouvelle constitution pour ouvrir le débat sur un nouveau code électoral, en s’appuyant justement sur les dispositions de cette nouvelle constitution. S’il le faut, les imperfections que comporte le code électoral actuel peuvent être toilettées par une simple révision en attendant l’adoption de cette  nouvelle constitution. C’est du reste l’exercice que le gouvernement avait annoncé dans sa lettre du 7 Décembre 2016.

Pour toutes ces raisons, l’Opposition exige du gouvernement qu’il retire purement et simplement son projet de loi et revienne à l’esprit de sa lettre du 7 Décembre 2016.

L’Opposition en appelle à tous les démocrates, aux organisations de la société civile, aux organisations syndicales, pour qu’ils se mobilisent contre la forfaiture qui se prépare.

Mesdames et messieurs,

Bien que ce ne soit pas le sujet principal de cette conférence de presse, l’Opposition souhaite revenir sur les menaces qui pèsent sur la sécurité des opposants. Des incidents troubles ont lieu ces jours-ci  qui motivent nos inquiétudes, parce qu’ils rappellent des méthodes que nous connaissons. Les filatures des opposants se multiplient, et s’ajoutent aux écoutes illégales de nos communications, chose avec laquelle nous avons déjà appris à vivre depuis longtemps.

Mais le summum est atteint avec les attaques à main armées contre les domiciles des opposants, comme ce fut dernièrement le cas au domicile familial du Président du CDP, Eddie Komboigo.

Le Burkina est un pays de savane où on sait qui  est qui et qui fait quoi ! L’opposition politique exige toute la lumière sur ces agissements et tiendra le gouvernement responsable de toute atteinte à l’intégrité physique d’un opposant.

Mesdames et messieurs,

L’affaire du code électoral est un niéme épisode qui continue de montrer que le pouvoir du MPP ne veut pas gérer le Burkina selon les acquis de l’insurrection.

Hier en écoutant le compte-rendu du conseil de ministres, on se demande si ce gouvernement est conscient de la situation du pays.

Avec tous les  problèmes que vit le Burkina en ce moment, voilà tout un gouvernement qui se réunit pour ne parler que de l’achat de véhicules neufs au profit des ministres.

A tous les burkinabè, l’Opposition demande d’être prêts pour répondre aux mots d’ordre qu’elle pourrait être amenée à lancer, non seulement pour la question du code, mais pour tous les manquements très graves aux principes de bonne gouvernance dont le pouvoir du MPP se rend coupable chaque jour qui passe.

Je vous remercie ! »

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