Hermann Yaméogo, président de l'UNDD, leader de la CODER, et défenseur de la justice transitionnelle

Grand connaisseur et défenseur de la justice transitionnelle dont il ne cesse de vanter les vertus ; leader de la CODER, mémoire vive et leader progressiste de l’histoire socio-politique des 45 dernières années de notre pays ;  président de l’UNDD et ancien ministre ; Hermann Yaméogo que l’on ne présente plus, nous situe sur les enjeux de la récente décision de la justice malienne de suspendre les poursuites judiciaires contre le Général Amadou Sanogo, meneur du putsch de 2012, et ses co-accusés pour assassinats.

Hermann Yaméogo, président de l’UNDD, leader de la CODER, et défenseur de la justice transitionnelle

L’ancien ministre d’Etat aborde aussi la question de la réconciliation nationale qu’il salue à sa juste valeur. «De voir aujourd’hui que la réconciliation est érigée en politique d’Etat me comble et me pousse, au-delà des gesticulations et autres soifs de parader, à chercher à protéger cette chance extraordinaire par un compromis patriotique national. Ce serait une œuvre de fin de vie la plus exaltante». Entretien exclusif.

Burkina Demain : Au Mali voisin, la justice a mis fin sans verdict lundi au procès pour assassinats du Général Amadou Sanogo, meneur du putsch de 2012, ainsi que d’une quinzaine de ses co-accusés. Cela va-t-il dans le sens de ce que vous prônez comme justice transitionnelle dans le cadre de la réconciliation nationale ?

Hermann Yaméogo : Merci pour la considération dont vous m’honorez, en me faisant réagir dans votre journal en ligne, sur une telle préoccupation devenue d’Etat.

Oui la posture adoptée par la juridiction chargée de juger le général Haya Sanogo et une quinzaine de ses co-accusés et qui a consisté à mettre fin au procès sans verdict, est tout à fait conforme à la philosophie qui gouverne la justice transitionnelle. L’issue découle du reste de la loi d’entente nationale qui émane de l’accord d’Alger en 2015 et de la dynamique impulsée par la création de la commission vérité justice réconciliation du Mali en 2014. 

Quels sont les avantages pour le Mali d’une telle approche de règlement des problèmes?

Les avantages sont ceux généralement soulignés c’est à dire de préférer à une justice vengeresse qui cultive l’esprit du châtiment, la justice restauratrice qui réacclimate le sens du pardon et de la réinsertion propre à nos traditions. 

Mais, il reste que des parents des victimes et des défenseurs des droits humains crient à l’impunité, à un mauvais précédent qui pourrait favoriser d’autres crimes dans le pays. Comprenez-vous cette levée de boucliers à l’annonce de la décision du tribunal de Bamako ?

Dans tous les cas où la justice en transition a permis des amnisties, des décisions de renoncements à des poursuites et condamnations, on a vu de telles levées de boucliers.

Tout en reconnaissant aux défenseurs des droits humains, le droit de faire ce pourquoi ils se sont engagés, il faut observer que cela n’empêche en rien le développement de la justice transitionnelle qui est aujourd’hui pratiquée par un grand nombre de pays et reconnue par les Nations Unies, l’Union Européenne, l’Union Africaine, L’Organisation internationale de la francophonie et bon nombre d’institutions internationales et d’ONG.

Dans la vie des nations il y a des circonstances (guerres, troubles socio- politiques, pandémies… ), qui conduisent à mettre entre parenthèses certains droits de l’Homme dans l’intérêt de la nation.

Si l’on avait écouté certains de ces leaders de la société civile en poursuivant les présidents Piéter Botha, Frédérik de Kletk, le ministre Magnus Malan et autres sous prétexte de ne laisser aucune place à l’impunité, l’Afrique du sud aurait plongé dans une dramatique guerre civile.

C’est justement pour sortir de la guerre civile que nombre de pays ont à travers des politiques de justice transitionnelle au lieu de sévir et de réprimer sous prétexte de lutter contre l’impunité, ont donné la préférence au pardon et à l’amnistie pour aller à la réconciliation.

Pensez-vous que la justice du Burkina devrait aussi suivre cet exemple de la justice malienne ?

La nature, le nombre, et la complexité des atteintes aux droits de l’homme et en particulier de celui à la vie sont telles que la sagesse commanderait de succomber à plus d’humilité pour s’inspirer de l’exemple Malien. Comme me le dit souvent trois ou quatre dossiers ne peuvent avoir raison de la volonté d’un peuple d’aller à la réconciliation. 

Lors de votre dernière conférence de presse au niveau de la CODER, vous avez félicité le ministre d’Etat Zéphirin Diabré en charge de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale pour sa nomination. Est-ce qu’il vous a déjà personnellement appelé ou consulté, ne serait-ce qu’après votre conférence de presse ?

 Il ne l’a pas fait mais je sais qu’avec des camarades du parti et de la CODER des échanges ont eu lieu et je m’en félicite.

 

N’avez-vous pas l’intention au niveau de la CODER de formuler une demande d’audience pour le rencontrer et lui signifier de vive voix vos attentes, si lui-même ne prend pas l’initiative ?

Nous n’avons pas envisagé une telle éventualité mais l’essentiel pour nous et nous l’avons relevé, c’est qu’il œuvre à ce que le président Kabore ne soit pas en porte à faux avec les termes de ses annonces sur la réconciliation, avant, pendant et après les élections. Que ces contradictions concerne  tout les délais ou les modalités de mise à feu du processus.

 

Mais, jusque-là, y-a-t-il un point ou des points dans la manière du ministre Diabré de gérer son portefeuille qui vous donne satisfaction ?

Apres nos félicitations pour sa nomination nos appréciations viendront à point nommé. Pour le moment nos exhortations vont à la mobilisation nationale, à la paix des braves pour aider à la réussite d’une réconciliation sincère, inclusive, multidimensionnelle et non inféodée. C’est pour cela que nous n’hésitons pas à encourager le président du Faso à monter personnellement au filet.

Quand vous observez, en tant que personnalité avertie de la scène politique, y-a-t-il des signes qui montrent que le forum sur la réconciliation nationale sera tenu dans les délais annoncés par le président Kaboré, parce que c’est aussi l’une de vos préoccupations lors de la conférence ?

Comme je vous le disais ç’est effectivement vers là aussi que vont nos préoccupations. Le président a pris des engagements sur la réconciliation, dont certains, dans la foulée de son serment pour son second mandat. Si le temps continue à se consumer sans plus d’avancées et d’orientations claires dans le sens des promesses faites, le soufflet risque de retomber et des doigts accusateurs dont le mien risqueraient de se pointer sur lui.

Vous qui êtes un chantre de la démocratie consensuelle, auriez-vous accepter d’occuper ce poste de ministre d’Etat chargé de la réconciliation nationale que, d’aucuns ne trouvent pas assez pertinent dans notre contexte, où il n’y a pas eu véritablement de fractures sociales comme en l’Afrique Sud ou en Côte d’Ivoire ?

Quand on a connu les conséquences du recours à la mort comme arme politique, de la révolution, quand depuis, tous les régimes qui se sont succédés ont connu des violations caractérisées des droits de l’homme et pardessus tout, des atteintes à la vie, on ne peut faire de telles comparaisons. Quand depuis la fin de la transition nous connaissons des massacres de masse confinant à des crimes contre l’humanité, c’est quelque part insulter la mémoire de tous ces disparus et faire montre de mépris vis à vis des ayants droit que de tenir gaillardement de tels propos.

Et puis si une telle option de justice en plus d’être commémorative pour nos morts peut nous empêcher de retomber dans les violences du passé qui pourraient être encore plus meurtrières pourquoi pas ?

Maintenant quant à faire des fixations maladives sur des portefeuilles ministériels, je crois avoir suffisamment donné des preuves que ce n’est pas mon genre.

Même si cela n’est nulle part inscrit en lettre d’or, beaucoup savent du reste, comme vous le dites, mon attachement à une forme de gouvernance qui privilégie le consensus. Il en va de même pour la réconciliation qui me voit engager au front en première ligne, depuis plus de 45 ans avec biens de victoires éclatantes.

De voir aujourd’hui que la réconciliation est érigée en politique d’Etat me comble et me pousse, au-delà des gesticulations et autres soifs de parader, à chercher à protéger cette chance extraordinaire par un compromis patriotique national. Ce serait une œuvre de fin de vie la plus exaltante.

Entretien réalisé par Christian Tas

Burkina Demain

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