Timbi Pascal Kaboé, nouveau maire de Soaw, nourrit de grandes ambitions pour sa commune

La commune de Soaw, dans le Boulkiemdé, a fait l’expérience d’un surprenant consensus à l’échelle locale lors de la désignation des membres de son conseil municipal. Le maire et tous les autres membres dudit conseil ont été plébiscités pendant des votes à bulletins secret ; malgré la présence d’élus de l’opposition, notamment de la Nouvelle alliance du Faso. Cela se passe dans un Burkina encore endeuillé par de multiples guerres fratricides et sanglantes enregistrées lors des élections des membres des conseils municipaux.
Des tenants et aboutissants de l’expérience inédite, des potentialités et difficultés de Soaw, le maire nouvellement élu, Timbi Pascal Kaboré, en parle. Entretien exclusif.

Timbi Pascal Kaboé, nouveau maire de Soaw, nourrit de grandes ambitions pour sa commune
Timbi Pascal Kaboé, nouveau maire de Soaw, nourrit de grandes ambitions pour sa commune

Burkina Demain : Présentez-vous à nos lecteurs ?
Timbi Pacal Kaboré : Je me nomme Timbi Pascal Kaboré. Je suis de la région du Centre-Ouest, notamment de la province du Boulkiemdé. Je suis de la commune rurale de Soaw. Je viens d’être nouvellement élu conseiller municipal de ladite commune sous la bannière du MPP.
Burkina Demain : Parlez-nous un peu de votre commune ?
Timbi Pascal Kaboré : La commune de Soaw est située dans la province du Boulkiemdé. Elle est à 47 km exactement de Koudougou et à 95 km de Ouagadougou. Elle est l’une des 15 communes que compte la province du Boulkiemdé.
Burkina Demain : Qu’est-ce qui fait sa spécificité par rapport aux autres communes ?
Timbi Pascal Kaboré : La commune rurale de Soaw du fait de son emplacement au niveau de la province, est assez spécifique. Assez spécifique dans ce sens qu’elle est l’une des trois communes de l’ancien canton de Konkistenga et se situe à cheval entre la commune de Pela et la commune d’Imasgo. Avec le projet du barrage de Soum qui a du reste été lancé par l’actuel président de l’Assemblée nationale le 23 avril 2004, nous avons actuellement un engouement dans la culture maraichère. Du reste, comme il était prévu dans ce projet, au jour d’aujourd’hui l’environnement socioéconomique de la zone a considérablement évolué à telle enseigne qu’actuellement, les jeunes n’aspirent plus aller dans d’autres horizons. Ils veulent véritablement s’installer, et s’auto-employer.
Il faut noter que la commune de Saow est majoritairement paysanne. C’est une population qui vit essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Mais, avec le barrage de Soum, cette commune tend de plus en plus à devenir une zone commerciale. Actuellement, le commerce s’y développe énormément.
Burkina Demain : L’autre spécificité de votre commune, c’est que lors de la mise en place de son conseil municipal, tous les membres ont été lus par acclamation. Comment expliquez-vous cette donne, surtout quand on sait que d’autres communes il y a eu des affrontements et il y a eu même des morts…
Timbi Pascal Kaboré : Je voudrais, avant d’aborder le cas spécifique de Soaw, présenter toutes mes condoléances à toutes les familles éplorées. C’est véritablement dommage, c’est regrettable qu’après ce que nous avons vécu les 30 et 31 octobre 2014 et les événements qui ont suivi ; que nous puissions aujourd’hui arriver à une situation où dans la recherche du développement, donc de l’épanouissement de nos semblables, donc de nos frères et sœurs d’une même commune, à la limite souvent d’un même village, on en vienne pour des raisons politiques, à s’affronter. Et à s’affronter jusque dans le sang et même au-delà c’est-à-dire jusqu’à la mort ; c’est vraiment regrettable.
Pour notre cas, nous allons rendre grâce à Dieu parce que ce qui s’est passé, c’est véritablement un exemple patent.
Burkina Demain : Comment les choses se sont passées ?
Timbi Pascal Kaboré : Voici comment les choses se sont passées le lundi 20 juin 2016. Il faut dire que tout est question d’approche, de comment les premiers responsables politiques communiquent avec la population, comment ils se montrent capables de galvaniser, de faire un focus sur les points forts pour avancer et faire avancer sereinement la population, la communauté dans le sens du développement. A Soaw les municipales du 22 mai dernier ont donné les résultats suivants : 15 conseillers MPP et 5 conseillers NAFA.
Et quand nous avions été appelés par la présidente de la délégation spéciale pour la mise en place de l’exécutif communal, quand nous nous sommes retrouvés dans la salle, nous avons véritablement parlé entre camarades. Au niveau du MPP, nous avions déjà arrêté quelque chose en rapport avec l’élection, du maire jusqu’aux représentants au niveau du conseil régional. Il n’y avait pas eu de concertations préalables avec les conseillers de la NAFA, mais quand notre candidature a été annoncée, tous les conseillers municipaux ont approuvé par acclamation. Ce fut la même chose pour le premier adjoint au maire jusqu’aux deux représentants au conseil régional en passant par le deuxième adjoint au maire. Tout s’est passé en moins de 35 mn.
Burkina Demain : Comment expliquez-vous ce consensus ?
Timbi Pascal Kabore : Nous avons toujours été des frères et sœurs d’une même commune, de la région. Il n’y avait pas une animosité trop poussée bien que nous ayons été à un moment donné des adversaires politiques des conseillers NAFA. En tout cas, nous nous sommes toujours parlé. Je pense que c’est ce qui explique la façon dont les choses se sont passées.
Burkina Demain : Et quelle a été la suite avec ce consensus rapidement trouvé ?
Timbi Pascal Kaboré : Quand les choses se sont ainsi passées, le préfet se posait des questions, se demandant comment se fait-il que les choses se soient passées en moins de 35 mn. Elle a demandé à ce qu’on reprenne les votes. Nous lui avons alors expliqué que nous avons voté poste par poste suivant le principe et qu’à chaque poste, l’élection a été faite par acclamation. Malgré nos explications, elle a insisté pour qu’on reprenne les votes. Nous nous sommes dit que notre commune devait donner l’exemple parce qu’ailleurs ce sont des conseillers qui se rentrent dedans et qui se tuent. Chez nous, au lieu de chercher à discuter la décision du préfet, à créer des tensions inutiles, autant rentrons confirmer l’intégrité du vote. C’est ainsi que nous sommes rentrés pour les votes à bulletin secret et les résultats ont été les mêmes : du premier poste au dernier poste, chaque postulant a obtenu 20 voix sur 20 voix exprimées.

Burkina Demain : Des conseillers NAFA sont-ils représentés au sein du conseil municipal de Soaw ?
Timbi Pascal kaboré : Non. Nos frères et sœurs ne sont pas représentés au conseil municipal. Mais, voici notre lecture de la situation. Pour nous, au conseil municipal, ce sont des responsables qui sont désignés mais l’essentiel du travail sera fait par un exemple de compétences. A niveau, sans ambages, nous croyons que nos camarades qui ont des compétences certaines seront associés à cela. En fait, il n’y a pas eu d’entende préalable avec eux avant d’entrer dans la salle. Nous n’avons pas su qu’ils n’avaient pas de candidats à présenter. Mais, ils sont véritablement à féliciter. Pour le développement de notre commune, ils ont accepté qu’on chemine ensemble. Je puis vous le dire : nous n’avons pas eu d’échanges préalables pour constituer l’équipe. Maintenant que l’équipe soit constituée par le MPP et que nos camarades de la NAFA valident, nous ne pouvons que tendre la main et à se donner la main pour le développement de la commune. Je crois aussi que ce sont nos faits et gestes avant même cette élection qui ont convaincu non seulement les conseillers MPP et aussi et surtout nos amis de la NAFA que nous pouvons solidairement cheminer ensemble, se donner la main, des idées pour construire notre commune.
Burkina Demain : Maintenant que vous êtes maire et que tout s’est bien passé lors de l’élection des membres du conseil municipal, quelles sont vos priorités ?
Timbi Pascal kaboré : Pour ce qui concerne nos priorités, il faut dire que Soaw est une commune rurale. Elle a donc les spécificités plus ou moins des communes environnantes mais aussi pour la plupart des communes rurales du Burkina. Il y a beaucoup d’attentes fortes de la part des populations mais aussi, malheureusement, d’absence criarde de ressources suffisantes pour conduire le développement. Mais, nous avons des propositions à faire. C’est en équipe, sans doute, que nous allons avancer sereinement. Nous savons déjà nos préoccupations. Nous allons nous appuyer sur les spécificités de notre zone pour booster le développement. Il faut déjà saluer ceux qui nous ont déjà précédés au niveau de la commune. Nous l’avons dit le 18 mai 2014 lors de notre premier meeting à Soaw : si quelqu’un montait sur le podium et commençait à dire que le CDP n’a rien fait, nous allons le faire descendre ; si quelqu’un montait sur le podium pour commencer à insulter, qui que ce soit, qu’il soit fils de Soaw ou d’ailleurs, nous allons le faire descendre ; parce que notre vision de la politique, c’est que chacun apporte sa pierre à l’édifice communale. Ce faisant, nous savons bien que ceux qui nous ont devancés, sont bien sûr du CDP. Ces frères, ces sœurs, ces grands frères, ces grandes sœurs, toutes ces personnes ont travaillé certainement avec leurs forces mais aussi avec leurs faiblesses. Ce faisant, nous avons aussi notre façon de voir que nous voulons partager avec la population et si elle est d’accord nous allons également continuer à apporter notre pierre à l’édifice. Nous avons déjà pensé que pour ce qui concerne la commune qui est fortement irriguée par le barrage de Soum, qui du reste a conduit à l’enclavement total de trois villages, c’est-à-dire que les routes initiales sont complètement prises par les eaux du barrage. Notre approche, c’est de trouver des partenaires, échanger avec l’administration centrale pour voir dans quelle mesure on peut intervenir pour désenclaver déjà ces trois villages. L’actuel président de l’Assemblée nationale avait dit lors de son passage le 23 avril 2004 que les réalisations du projet hydraulique de Soum vont bouleverser les données et les potentialités socioéconomiques de notre région. Ce qu’il a dit, s’est réalisé. Cela a bouleversé les données au point que des gens ne peuvent pas se mouvoir facilement dans la zone à cause des eaux. Que faut-il faire ? Il faut transformer ces contraintes en opportunités. Il y a d’autres zones où actuellement il n’y a pas l’eau. Chez nous il y a l’eau. Il s’agit maintenant d’exploiter cette ressource rare pour le développement de la commune. C’est activer avec des partenaires et l’administration centrale pour qu’on désenclave cette zone ; mais aussi qu’on puisse nous aider à porter des projets d’appui aux jeunes pour qu’ils puissent exploiter les bas-fonds rizicoles, ainsi que la culture maraichère pour booster l’économie au niveau de la zone. L’élevage est également en plein développement. Notre approche, c’est de contribuer à construire des magasins pour les intrants géotechniques et un abattoir. A Soaw actuellement nous avons presque tout, c’est-à-dire les ressources qu’il faut valoriser. Quand vous prenez la tomate, à une certaine période elle est produite en grande quantité sans débouchés. En clair, les producteurs ont pris des intrants, ils se sont endettés, ils produisent et au finish il n’y a pas de débouchés. Là, nous pensons que nous pouvons être accompagnés par des partenaires pour que les efforts des paysans soient mieux valorisés et rémunérés.
Burkina Demain : Comment expliquez-vous que le choix soit porté sur vous pour conduire les destinées de Soaw ?
Timbi Pascal Kaboré : Il y a plusieurs éléments qui ont certainement milité pour que les camarades puissent porter leur choix soit sur moi. Mais, je puis déjà vous dire que c’est un défi collectif que nous avons accepté d’assumer. Chacun(e) de tous les 15 conseillers aurait pu être promu à ce poste parce que ce n’est pas le travail d’une seule personne mais d’un ensemble de personnes. Peut-être que les camarades ont aussi vu que nous pouvions contribuer à rassembler, comme ils auraient pu également le faire. La preuve, quand on a voulu choisir un premier adjoint, un deuxième adjoint, etc., cela n’a pas posé de problème. Il y avait des gens qui étaient bien compétents pour le faire. Donc, le choix en ma modeste personne, c’est sûrement les autres camarades qui peuvent le dire mieux que moi. Mais, je présume que c’est parce qu’ils pensent que nous pouvons toujours continuer à rassembler, et à l’intérieur et près de notre environnement immédiat, mais aussi dans notre environnement lointain pour que la commune continue de grandir comme elle a commencé avec nos prédécesseurs. A Soaw, nous agissons solidairement comme les doigts de la main.
Burkina Demain : Parlez-nous de votre parcours…
Timbi Pascal Kaboré : Ce n’est pas la première fois que je m’intéresse à la politique. Mais, auparavant, j’ai milité dans des associations. Sur le plan politique, nous avons travaillé pendant les élections municipales 2006 sous la bannière de l’ADF/RDA. Lors de ces élections de 2006, nous n’avions pas joué les premiers rôles mais nous avions contribué comme nous pouvions en son temps. Après cela, nous n’avions plus continué. Et en 2014, nous avons intégré l’équipe du MPP pour faire valoir nos idées lorsque le débat sur le referendum et le Sénat faisait rage. Nous avons commencé ici à Ouagadougou au niveau des secteurs structurés et ensuite des camarades de la commune m’ont demandé de revenir pour aider à installer solidement le MPP au niveau de Soaw. Cela m’a amené à travailler avec d’autres camarades au niveau de la commune qui sont aussi très engagés et sinon plus engagés que moi.

Burkina Demain : Vous, vous n’avez jamais milité au CDP ?
Timbi Pascal Kaboré : Non, je n’ai jamais milité au CDP. Pour la petite histoire, le 27 octobre 1987 j’étais élève à Koudougou au Collège Moukassa et ce qui s’est passé m’a véritablement écœuré. C’est-à-dire que la manière que le Boulkiemdé a été réprimé dans le sang m’a fondamentalement marqué à telle enseigne que je n’ai jamais voulu, à un moment donné, coopéré avec ceux qui nous ont terrorisés de la sorte. Pour rien au monde, et c’est ce que j’ai l’habitude de dire à Soaw, vous ne devriez sur plan politique allez jusqu’à marcher sur les corps des autres pour arriver à vos fins personnes. Nous avons été meurtris par ce qui s’est passé à Koudougou le 27 octobre 1987. Nous avons failli être écrasés à la porte de Moukassa par des militaires qui roulaient à vive allure, semant la terreur sur leur passage. Nous nous en souvenons comme si c’était hier. Pour toutes ces raisons, à aucun moment, nous n’avons collaboré avec les tenants de l’ancien régime.

Entretien réalisé par Grégoire B. Bazié
Burkina Demain

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