Arnaud Nikièma, juriste doctorant, enseignant vacataire à l’université Ouaga 2, décortique la loi sur les volontaires pour la défense de la patrie

Suite aux récentes attaques terroristes meurtrières, l’opposition politique burkinabè appelle le pouvoir à déclarer officiellement le pays en guerre. Ce qui repose aussi la question de l’initiative du président du Faso relative aux  volontaires pour la défense de la patrie consacrée par une loi. Comment comprendre cette loi ? Quels risques pour son application ? Ce sont entre autres les questions auxquelles répond Arnaud Nikièma, juriste doctorant, enseignant vacataire à l’université Ouaga 2 et dans plusieurs instituts d’enseignement supérieurs du pays. Entretien exclusif.

Arnaud Nikièma, juriste doctorant, enseignant vacataire à l’université Ouaga 2, décortique la loi sur les volontaires pour la défense de la patrie

Burkina Demain : Quelle appréciation faites-vous de la loi sur le recrutement des volontaires pour la défense de la partie ?

J’ai parcouru la loi, son exposé de motifs et son corpus juridique. Le contenu voulu par le Chef de l’Etat s’est matérialisé dans la loi adopté. En clair, la loi telle qu’adoptée reflète l’esprit et la lettre de ce que demandait le chef de l’Etat.

Cependant, j’ai noté dans les exposés de motifs que les volontaires seront dotés d’armes à feu pouvant aller jusqu’aux armes de guerre en dotation dans les forces armées nationales.

A priori, il n’y a rien d’anormal mais une analyse au second degré permet de dire que pendant qu’il est refusé des armes de guerre aux policiers qui sont au front et tout au long de nos frontières, des simples volontaires civiles, eux, seront dotés de tels armements. Est-ce que cela ne va pas perturber le climat entre les différentes forces en présence ? C’est une question fondamentale. Nous attendons de voir.

 

Quels peuvent être les risques liés à cette loi ?

Pour ce qui est des risques, je pense que l’adoption de la loi peut exacerber les violences terroristes envers les populations civiles qui engagées, comme volontaires, contribuera à les combattre.

Mais cela ne doit en aucun moment décourager les autorités dans la mise en œuvre de cette loi. Il faut le faire au plus vite pour stopper la frayeur et le martyr que vivent les populations des zones assiégées.

 

Les terroristes ne vont-ils  pas s’en prendre à la population civile ?

C’est cela ma crainte principale.

Cette loi devrait-elle  faire l’objet de médiatisation ?

Sur ce coup, je pense que l’encadrement juridique aurait pu ne pas se faire avec tout le tapage médiatique qui a été fait. Mais vous savez, dans nos pays, tous les actes posés par les dirigeants doivent emporter une dividende politique. C’est certainement ce qui a guidé le matraquage médiatique qui a été fait.

Je pense sincèrement qu’on aurait pu trouver un encadrement juridique plus discret tel qu’un acte règlementaire autonome, et enrôlé les intéressés dans la discrétion, installé dans la discrétion pour qu’ils produire les effets lus probants. Mais enfin !

L’expert a aussi abordé les avantages de la loi

Mais, quels sont les avantages de la loi sur les volontaires de défense de la patrie ?

Permettez-moi avant de parler des avantages de la loi, de dire que c’est en exécution de la décision du Président du Faso de recruter des volontaires pour renforcer la lutte contre le terrorisme dans notre pays qu’il a été d’abord institué une Commission interministérielle pour préparer les textes nécessaires à la mise en œuvre de cette décision. C’est ainsi qu’après les travaux préparatoires, le projet de loi a suivi son circuit normal, adopté en Conseil des ministres et passé au peigne fin par le parlement pour être enfin adopté.

Les avantages résidents dans le fait que des citoyens non militaires qui voudraient apporter physiquement leur concours à la lutte contre le terrorisme trouvent là un canal royal. Ensuite, le fait que l’enrôlement du volontaire est, dans son principe limité dans le temps est une excellente chose. Il faudrait en outre relever le fait que l’action des volontaires se fera sous la conduite, l’autorité et la couverture des FDS et cela est salutaire. Enfin, selon moi, le fait que les droits et obligatoires des appelés se trouvent clairement identifiés est également un élément à révéler comme avantage.

 

Quels sera le rapport entre les volontaires et les FDS ?

Il faut dire qu’à l’analyse de l’article 15 de la loi, il est indiqué que le volontaire pour la défense de la Patrie doit obéissance à l’autorité militaire. Il est astreint à collaborer avec les autres forces de défense et de sécurité.

L’article 2 de la loi précitée donne un contenu plus précis en disposant que le volontaire pour la Défense de la Patrie est une personne physique auxiliaire des forces de défense et de sécurité, servant de façon volontaire les intérêts sécuritaires de son village ou de son secteur de résidence, en vertu d’un contrat signé entre le volontaire et l’Etat.

A travers cette disposition, on voit nettement que le volontaire est un auxiliaire des FDS qui doit collaborer avec les FDS dans le respect de l’obligation liée à l’obéissance.

 

Croyez-vous à la réussite d’une telle initiative ?

Sous certains cieux, les supplétifs volontaires ont connu un succès. Sous d’autres cieux, ils se sont soldés par un échec cuisant. Je demeure optimiste en entendant la mise en œuvre concrète de cette stratégie.

 

Quel est alors  l’avenir des volontaires dans notre société ?

 

 

Selon les termes de la loi, après avoir servi leurs zones de couverture, les volontaires dont les mandats n’ont pas été renouvelés se fondent dans la société et deviennent donc des citoyens ordinaires.

 

Si vous devriez dire un l’endroit de nos compatriotes, que diriez-vous ?

Juste exhorte mes compatriotes à la solidarité envers les déplacés internes et toutes les victimes directes ou indirectes qui souffrent actuellement dans leur chair.

A observer comment les villages se vident actuellement, comment les femmes et les enfants même de bas-âge sont obligés de parcourir des dizaines de kilomètres à pieds ou à dos d’âne pour retrouver refuges dans les centres urbains, c’est assez douloureux.

Entretien réalisé par Hioua Eric Bassolé

Burkina Demain

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