Le président égyptien Abdel Fattah El-Sisi (à droite) et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ne sont pas des faucons

Les dernières négociations menées à Washington sous l’égide des Etats-Unis sur le grand barrage de la renaissance, cher à l’Ethiopie et préoccupant pour l’Egypte, n’ont pas abouti à un résultat consensuel. En effet, ce dernier round des pourparlers tenu dans la capitale américaine sans la partie éthiopienne, n’a pas permis de dissiper le désaccord entre l’Egypte et l’Ethiopie sur les conditions de remplissage du barrage. L’on se retrouve ainsi dans une nouvelle impasse où un dialogue direct entre Abdel Fattah Al-Ssisi et Abiy Ahmed  pourrait s’avérer nécessaire.

Les modalités du remplissage du gigantesque barrage réalisé à plus de 70%, continuent de diviser l’Egypte et l’Ethiopie

Sur les conditions du remplissage du gigantesque barrage éthiopien de la renaissance, les  négociations se suivent et se ressemblent dans leur aboutissement : le désaccord entre partie éthiopienne et partie égyptienne. Les dernières négociations menées les 27 et 28 février 2020 à Washington sous l’égide des Etats-Unis et sans la participation éthiopienne, n’ont pas dérogé à la règle du manque de consensus sur le remplissage du géant ouvrage hydroélectrique destiné à produire à terme 6 000 MW et d’un coût de 4 milliards de dollars.

L’accord qui en a résulté est en effet diversement apprécié en Egypte et en Ethiopie. Pendant que Le Caire l’Egypte se félicitait, samedi dans un communiqué de son département des affaires étrangères,  d’avoir «signé à Washington un accord parrainé par les Etats-Unis » et exhortant l’Ethiopie et le Soudan à lui emboîter le pas ;  le ton était tout autre à Addis Abeba :

«L’Éthiopie n’accepte pas la qualification selon laquelle la négociation sur les directives et règles sur le premier remplissage et le fonctionnement annuel des directives et règles est terminée. Le «texte», qui aurait été paraphé par la République arabe d’Égypte à Washington D.C., n’est pas le résultat de la négociation ou de la discussion technique et juridique de trois pays. L’Éthiopie a clairement indiqué que les directives et les règles devaient être élaborées par les trois pays. Les pays doivent encore régler les problèmes en suspens concernant la finalisation des directives et des règles».

Persistant  désaccord Egypte-Ethiopie au sortir des pourparlers de Washington

Le désaccord entre l’Egypte et l’Ethiopie persiste donc au sortir des pourparlers de Washington sur le remplissage du barrage.

Lors des précédentes négociations à Addis Abeba, l’Egypte était pour un remplissage étalé sur une plus longue période 14-21 ans afin que les Egyptiens ne souffrent pas d’un déficit d’eau au niveau du Nil sur lequel est construit le barrage.

De son côté, la partie éthiopienne avait proposé une période de remplissage moins longue 4-7 ans. Mais, dans l’impossibilité de s’entendre sur le temps du remplissage du réservoir de l’ouvrage estimé à 74 milliards de mètres cubes, les discussions d’Addis Abeba n’avaient pas abouti aux résultats escomptés et l’on avait alors pensé aux Américains pour parrainer des futures négociations.

Maintenant que ces dernières aussi sont en train de connaître le même sort (l’échec), le temps n’est-il pas venu d’envisager un dialogue direct au plus haut sommet entre le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi et le Premier ministre  éthiopien, Abiy Ahmed ?

Option d’autant plus envisageable

Le président égyptien Abdel Fattah El-Sisi (à droite) et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ne sont pas des faucons

Cette option est d’autant plus envisageable que le dossier barrage de la renaissance est moins explosif aujourd’hui qu’il ne l’était du temps du feu Premier ministre Meles Zenawi en Ethiopie et de la présidence de feu Mohammed Morsi en Egypte. L’un avait eu le courage de prendre le risque de lancer les travaux du barrage sans l’aval du Caire afin de répondre aux aspirations de développement du peuple éthiopien qui fonde de réels espoirs sur l’infrastructure en participant à son financement et à sa construction.

L’autre avait eu aussi le courage de dénoncer l’initiative qui menacerait les intérêts de son pays sur le Nil, n’excluant pas à l’époque de recourir à la guerre pour défendre les droits historiques des Egyptiens sur le Nil.

En effet, l’Egypte (pays désertique), est, dit-on depuis le célèbre historien-géographe grec Hérodote, «un don du Nil», c’est-à-dire la civilisation égyptienne doit sa prospérité et sa longévité à ce grand fleuve qui a toujours permis à l’Egypte de tirer son épingle du jeu  sur le plan agricole et  alimentaire.

Beaucoup d’eau ont coulé sous les ponts du barrage au Caire et à Addis

Mais, depuis, beaucoup d’eau ont coulé sous les ponts au Caire et à Addis Abeba sur la question du barrage de la renaissance. Certes, le président Abdel Fattah Al-Sissi et le Premier ministre Abiy Ahmed qui ont hérité du dossier, ont tous les deux à cœur de le gérer dans l’intérêt de leurs pays respectifs, d’où certainement la persistance du désaccord sur le remplissage du barrage. Mais, ils sont loin d’être des faucons, prêts à recourir à la guerre pour défendre les intérêts de leurs pays. Récemment président en exercice de l’Union africaine, le Général Al-Sissi est mal placé pour plonger le contient dans une autre guerre.

Le Premier ministre Abiy Ahmed encore moins, auréolé qu’il est encore de son prix Nobel de la paix 2019. Cette donne fait incontestablement de l’un et l’autre dirigeant un acteur clé d’une solution négociée sur la question du remplissage du barrage de la renaissance. Et les mettre face-à-face pour une ultime discussion sur le problème pourrait donner des résultats inespérés. A moins que l’on ne privilégie l’autre option du négociateur international qui prend souvent plus de temps sans garantie de bons résultats.

Grégoire B. BAZIE

Burkina Demain

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