Les jeunes radicalisés sont des proies faciles pour les groupes terroristes. Au regard des conséquences du terrorisme au Burkina Faso, radicalisation et extrémisme violent doivent être combattus énergiquement pour permettre aux jeunes d’être pleinement utiles à la société. Comment  y parvenir?

Les faits sont établis et constants.  De plus en plus de jeunes burkinabè rejoignent les groupes terroristes pour perpétrer des attaques contre leur propre pays. Ici, l’ethnie, la religion, la coloration politique de ces jeunes importe peu.

Ce qui  est essentiel,  c’est de comprendre les motivations qui poussent ces jeunes à rallier des groupes qui sèment la  terreur et la mort afin de trouver la thérapie appropriée.  Dans le contexte sécuritaire que nous connaissons au Burkina Faso, radicalisation, extrémisme violent et terrorisme sont liés. La « radicalisation » sert habituellement à décrire les processus par lesquels une personne adopte des opinions ou des pratiques extrêmes pouvant aller jusqu’à légitimer le recours à la violence.

La notion fondamentale ici, c’est le processus d’adhésion à la violence. Le terme «extrémisme violent » lui ;  renvoie aux opinions et aux actions de ceux qui approuvent la violence ou y ont recours au nom d’objectifs idéologiques, religieux ou politiques. Cette définition inclut le terrorisme et d’autres formes de violence sectaire et motivée par des raisons politiques. Le recours à la violence motivé par des raisons idéologiques, et généralement étayé par des théories du complot, est au cœur du concept d’extrémisme violent.

L’expression « extrémisme violent » et le mot « terrorisme » sont souvent, à tort, employés de manière interchangeable. Bien que le terrorisme représente une forme d’extrémisme violent, et qu’il soit souvent motivé par des raisons idéologiques, le fondement conceptuel qui distingue le terrorisme de l’extrémisme violent est la création de la peur, ou de la terreur, comme moyen d’atteindre un but.

Des causes conjoncturelles et structurelles

Les racines de l’extrémisme violent et les causes de la radicalisation menant à la violence sont aussi diverses que multidimensionnelles. On distingue habituellement deux types de facteurs : les facteurs de « répulsion » et les facteurs « d’attraction ». Les premiers se rapportent aux conditions propices à l’extrémisme violent.

Il s’agit de processus plus larges qui peuvent « pousser » des individus vers les groupes extrémistes violents. On entend par facteurs d’attraction les motivations personnelles qui attirent les recrues potentielles, et les arguments qui peuvent être utilisés pour légitimer l’usage de la violence.

 

Au titre des facteurs de répulsion, il y ‘a entre autres l’absence de perspectives socio-économiques (pauvreté, chômage, corruption,…), la marginalisation, injustice et discrimination (exclusion, injustice, stigmatisation, humiliation), la mauvaise gouvernance, les violations des droits de l’homme et de l’Etat de droit, l’impunité, les conflits prolongés et non réglés, le processus de radicalisation en prison aboutissant à la légitimation de la violence,… Sont considérés comme facteurs d’attraction,  les circonstances personnelles (quête existentielle et spirituelle d’identité et de sens, vision utopique du monde, ennui, crise d’adolescence, sentiment d’avoir une mission à accomplir, attirance pour la violence etc.) identification avec un ressentiment collectif et des discours de  victimisation qui peuvent être manipulées par des leaders charismatiques, déformation et utilisation détournée  des croyances, des idéologies politiques et des différences ethniques et culturelles (l’attrait de visions du monde simplistes qui divisent le monde entre « eux et nous », etc.)

 

Les conditions structurelles favorisant le risque de radicalisation et d’extrémisme violent sont réelles au Burkina Faso. Ces conditions sont perceptibles au plan économique (pauvreté, sous-développement, chômage) au plan politique (persistance de la corruption, de l’impunité) au plan social (revendications tout azimut, incivisme, conflits  agriculteurs-éleveurs, litiges fonciers). Au plan religieux,  les leaders encouragent en général  la tolérance. Mais on enregistre par moment des écarts à travers certains prêches.

 

De nombreux diplômés des écoles religieuses ont également des difficultés à s’insérer dans la vie professionnelle car les efforts visant à harmoniser les programmes de ces écoles avec ceux des écoles laïques officielles, publiques ou privées, ne sont pas suffisants. Dans les écoles publiques laïques, il y’a parfois des tensions  au sujet du port de symboles religieux (voile, croix,…) Cette disparité apparente peut créer un sentiment d’injustice et de frustration susceptible d’être exploité. Au plan géopolitique, le Burkina Faso fait face à un terrorisme sous régional.

 

La radicalisation et l’extrémisme violent sont en outre  et par moment attisés par les médias sociaux dont l’usage va crescendo au Burkina Faso surtout au sein de la frange jeune. Véritables lieux d’échanges, ces plateformes permettent à plus de 4 milliards d’internautes de se connecter en quelques clics à travers le monde. Par conséquent, tous les discours, y compris ceux extrémistes ou radicaux sont accessibles à tout moment. Ils permettent aux individus en recherche active d’informations radicales et d’échanges d’idées de trouver une offre construite à leur mesure. Cette offre est en cohérence avec les besoins cognitifs et affectifs des adolescents (sens aigu de l’injustice, besoin d’inclusion sociale, reconnaissance,…).

Comment contrer le phénomène ?

Dans le contexte actuel, prévenir et lutter contre la radicalisation et l’extrémisme violent nécessite des actions stratégiques et multidimensionnelles.

Au sommet de l’Etat, il faudra, en plus des efforts déjà fournis, finaliser la stratégie nationale de lutte contre le  terrorisme qui intègre des mesures de lutte contre l’extrémisme violent, lutter contre la corruption, l’impunité et accentuer la transparence et la réédition de comptes, renforcer les initiatives de création d’emplois pour les jeunes, étoffer le mécanisme d’observation des  mouvements et faits religieux, renforcer la collaboration entre structures de renseignement, réduire les disparités entre les différentes régions du pays, adapter la législation au nouveau contexte,… Il faudrait davantage d’investissements pour une éducation de qualité au profit des jeunes.

Les programmes d’éducation aux médias et à l’information sont essentiels pour aider les jeunes à mieux identifier et rejeter la propagande extrémiste. Cette approche de l’éducation inclut la sensibilisation aux discours de haine, la création de nouvelles plates-formes mais aussi de réseaux de dialogue et de compréhension mutuelle.

 

Internet et les nouvelles technologies doivent constituer des plates-formes d’engagement positif, de paix, de promotion du respect des droits de l’homme et de la dignité, permettant ainsi le dialogue et la compréhension mutuelle. En ce sens, les jeunes doivent les exploiter avec discernement et respecter la pluralité des opinions.

La lutte est collective. Tous les burkinabè doivent donc être des « semeurs d’espérance » pour paraphraser le titre du dernier ouvrage du cardinal Philippe OUEDRAOGO « Semences d’espérance».

Jérémie Yisso BATIONO

Enseignant chercheur

Ouagadougou

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